Ces municipales sont la confirmation du retour du clivage gauche / droite, de la fragmentation sociale de la population et d’un désaveu de plus en plus grand à l’égard de la vie politique. Si LREM est le grand perdant de cette séquence électorale, il est en revanche difficile d’en trouver des vainqueurs…
La vague verte est en demi-teinte. Avec près de 60% d’abstention, il est difficile de savoir si les élections de ces maires correspondent à une volonté réelle des électeurs. C’est une victoire classique de la gauche, où le Parti socialiste a été remplacé par les écologistes. Au cours de son histoire, la gauche a toujours été mangée par les plus progressistes : Ferry par les radicaux, les radicaux par les socialistes, les communistes par les socialistes et aujourd’hui les socialistes par les écologistes. C’est le propre du mouvement progressiste que d’aller toujours plus loin dans la déconstruction et la radicalisation. Ce n’est pas tant une percée des Verts qu’une reconfiguration magistrale de la gauche, dont EELV devient la force principale et le PS une des forces supplétives. Cet état des choses a été acté par Olivier Faure qui a annoncé que son parti se rangerait derrière un candidat écologiste en 2022. Le mouvement progressiste est donc toujours vivant et a muté. Les Verts ont gagné en s’alliant avec les autres partis de gauche et dans des villes qui ont toujours été à gauche : Strasbourg, Poitiers, Lyon, où l’alliance conduite par Collomb s’est divisée. Ces victoires témoignent d’un retour à la normale de la vie politique avec la résurgence du clivage gauche / droite.
Les bobos introuvables
Il est facile d’imputer la victoire aux « bobos » terme employé depuis les années Delanoë, mais dont la réalité sociologique est difficile à cerner. Si l’on désigne par là des urbains célibataires et CSP+, c’est une cause nécessaire mais non suffisante de la victoire de la gauche. Les écolos-gauchistes ont gagné grâce à des alliances, c’est-à-dire en allant au-delà de cette seule catégorie sociale, qui est somme toute assez réduite. Dans de nombreuses villes, l’alliance non dite s’est faite avec les islamistes. Une fois la mairie tenue, ils pourront redistribuer les aides sociales vers ces associations militantes. Là aussi, rien que de très normal : c’est ce qu’a toujours fait la gauche dans les villes qu’elle a gérées.
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Depuis les municipales de 2001, la droite est convaincue qu’elle ne peut plus gagner les villes or rien n’est plus faux, et ces municipales le confirment encore. Outre le bon score de Rachida Dati, qui a relégué LREM aux oubliettes et qui a conservé tous ses arrondissements, nombreuses sont les grandes villes à avoir voté à droite. Avec près de 240 000 habitants, le 15e arrondissement est autant peuplé que Bordeaux, et Agnès Evren y a largement gagné. Le 16e et le 17e ont plus de 160 000 habitants, et ce sont des bastions de droite. À cela s’ajoute Limoges, conservé par la droite, Angers, Saint-Étienne, Nice, Metz, etc., et, en Île-de-France, des villes comme Vincennes, Courbevoie, Boulogne, Argenteuil, Aubervilliers qui demeurent dirigées par la droite ; des communes dont la population oscille entre 50 000 et plus de 100 000 habitants.
La victoire de Jospin
Si la gauche a pu conserver ou emporter des métropoles, c’est que la population y a changé. Sous l’effet des prix de l’immobilier élevés et d’une insécurité culturelle et physique grandissante, nombreuses sont les familles à quitter ces villes, remplacées par d’autres populations. Les périphéries qui étaient à gauche (Levallois, Achères, Argenteuil, etc.) sont ainsi devenues des bastions de droite et les centres métropolitains qui étaient à droite des bastions de gauche. Le transfert de population a logiquement entrainé une modification électorale. C’est la victoire tactique de Lionel Jospin.
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En mettant en place la loi SRU (solidarité et renouvellement urbain) qui oblige les communes à avoir 20% de logements sociaux (un taux monté à 25% sous François Hollande), il s’assurait ainsi une rente électorale massive dans de nombreuses villes. La faute de la droite est de ne pas avoir abrogé cette loi durant les dix années où elle fut au pouvoir. Non content de faire en sorte qu’un logement sur quatre soit « social » elle a provoqué une forte hausse des prix de l’immobilier, selon une loi très classique en économie qui fait que l’encadrement et la réquisition entrainent toujours une pénurie, une hausse des prix et une baisse de la qualité. Cette augmentation des prix a accentué le départ des classes moyennes vers les communes périphériques. Et l’arrivée de populations plus sensibles aux sirènes progressistes.
La reconfiguration des villes
Ces victoires des écologistes vont accélérer un phénomène géographique déjà en cours : les départ des centres-villes, le développement des périphéries. Entreprises et commerces sont de plus en plus nombreux à quitter des centres-villes devenus chers, insalubres et dangereux. Les manifestations régulières des mouvements progressistes, accompagnées de leur cortège de destruction de vitrines, comme à Nantes ou à Rennes, font partir les entrepreneurs.
Il n’est qu’à voir le centre-ville de Grenoble, aujourd’hui une des villes de France où la criminalité est la plus forte, pour voir ce que devient une ville gérée par les écologistes.
Tristement, les départs renforcent la folie progressiste, puisque la population qui s’en va ne vote pas pour elle. Ces élections sont donc à la fois un aboutissement et une nouvelle étape dans la reconfiguration politique et géographique de l’urbanisme en France.
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