Lors du dernier attentat islamiste à Stockholm, la stupeur a été grande, chez tous les officiants du vivre-ensemble. Comment était-ce possible que ça ait eu lieu là-bas ? Comment avait-on pu toucher au temple du multiculturalisme ? Porter le fer dans la chair du pays où – juré, craché – tout le monde aimait tout le monde ? Suédois, Africains, Arabes : tous ensemble !
La France aussi est un pays multiculturel, nous disent les mêmes. Et c’est un candidat à la présidence de la République qui a le plus clairement formulé cette pensée répétée et convenue : « Il n’y a pas de culture française. Il y a une culture en France ». Emmanuel Macron, avant de les prononcer, avait bien pesé tous les mots de cette formule définitive. Et comme il a de sérieuses chances d’être élu président de la République, qui sait s’il ne va pas graver la notion de multiculturalisme dans la Constitution…
Dans multiculturalisme, il y a « plusieurs » et « cultures »
Une analyse sémantique s’impose. Dans multiculturalisme, il y a « plusieurs » et « cultures ». Cela suppose qu’il y ait des cultures qui cohabitent, qui s’interpénètrent et se nourrissent mutuellement. Cela fut vrai pendant l’Antiquité quand la Grèce irrigua de ses Dieux et de son génie, Rome qui l’avait conquise. Cela fut vrai pendant la Renaissance, quand de l’Italie rayonna une lumière dont la France fut illuminée.
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Mais aujourd’hui de quelles cultures s’agit-il ? Où sont-elles ? Il y a en France des millions et des millions de descendants d’immigrés, deuxième, troisième, quatrième génération. Nombre d’entre eux, nourris et vivifiés par leur terre d’accueil, ont fait pousser en France les plantes et les fleurs de leurs talents personnels.
Pas les plantes et les fleurs d’autres cultures ! Croit-on qu’Andreï Sergueïevitch Makine, prix Goncourt et membre de l’Académie française, a apporté chez nous la culture russe ? Il faut lire son beau et triste Testament français (écrit bien sûr en français) : il annonçait en sourdine L’identité malheureuse d’Alain Finkielkraut. Mais peut-être, faudrait-il, pour faire plaisir aux multiculturalistes sectaires et bornés, écrire que ce dernier, membre comme Makine de l’Académie française, est de culture juivo-polonaise ?
Marguerite Yourcenar, une femme de lettres française
Continuons. Marguerite Yourcenar, première femme élue à l’Académie française, était-elle de culture belge ? Assia Djebbar, elle aussi installée dans un fauteuil du quai Conti, se retournerait dans sa tombe si elle s’entendait qualifier comme étant de culture arabe. Et Tahar Ben Jelloun, Mohamed Kacimi, Boualem Sansal, que sont-ils d’autres que de merveilleux écrivains en français ?
Mais les intermittents de la pensée ont une objection toute prête. La culture, selon eux, ne se résume pas aux livres, à la peinture ou à la musique. En effet, il faut toujours, selon ces bégaiements niais, prendre en compte les rites, les rituels et les habitudes culinaires ou autres. Donc le pot-au-feu ferait donc, par exemple, partie de la culture française. Et à ce titre le méchoui serait un apport de la culture arabe.
Ce raisonnement poussé à l’absurde, vaudrait pour le saucisson à l’ail voué à une cohabitation amicale avec le tajine. Le camembert entrerait dans un métissage fructueux avec la corne de gazelle. Et dans un autre domaine la pipe entamerait une promenade fraternelle avec la chicha. Si c’est ça la culture, alors ajoutons-y le canard laqué et la sauce de soja. On n’en parle pas assez…
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