Le Mouvement de la Ruralité (LMR), anciennement appelé « Chasse, pêche, nature et traditions » (CPNT) organisait hier un grand oral afin d’entendre les propositions des candidats à l’élection présidentielle pour la ruralité. Nous sommes allés écouter ce que Valérie Pécresse et Éric Zemmour avaient à dire aux chasseurs.
Éric Zemmour, Valérie Pécresse, Jean Lassalle et Nicolas Dupont-Aignan étaient présents hier à l’ambassade d’Auvergne, dans le 3ème arrondissement de Paris, à l’invitation du mouvement « Chasse, pêche, nature et traditions », désormais renommé « Mouvement de la Ruralité » (LMR). Les adhérents du LMR nous ont confié regretter les absences d’autres candidats, qui témoignent selon eux d’un manque de considération pour les populations rurales, déjà abandonnées depuis de nombreuses années. Eddie Puyjalon, dirigeant du mouvement, indiquait aux journalistes que les enjeux du monde rural étaient selon lui « l’angle mort de la campagne », et qu’il souhaitait obliger les prétendants à la fonction suprême à se positionner sur les sujets clivants, autrement qu’« en caressant une vache au salon de l’agriculture » !
Malheureusement pour lui, Marine Le Pen et Emmanuel Macron ont donc fait abstraction de l’évènement.
Des constats communs, mais une vision différente
Le LMR est un parti politique sous forme d’association qui défend des valeurs traditionnelles, chères au monde rural. Aussi, l’objectif pour les candidats présents à l’évènement était clair : prouver qu’ils ne sont pas déconnectés des territoires ruraux.
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Éric Zemmour l’a rappelé, il n’est pas un enfant de la campagne : « J’ai grandi dans les banlieues, à l’époque où elles étaient des campagnes urbanisées. Mes grands-parents vivaient en Algérie dans des petits villages organisés à la française, j’ai découvert la ruralité dans la littérature. » Après avoir évoqué son histoire, le candidat « Reconquête » a dressé un constat sur l’état des campagnes françaises : manque d’hôpitaux, chute de la natalité, chômage constant, fermetures des écoles, manque d’aides de l’État… Ces constats sont à peu près les mêmes que ceux dressés ensuite par Valérie Pécresse. La candidate des Républicains a expliqué que la ruralité était selon elle « l’alliance de l’identité et de la modernité », mais elle ne s’est pas livrée à des confidences personnelles comme Zemmour. Selon elle, la ruralité est « une chance » et « un rempart contre le réchauffement climatique et les famines qui arrivent à nos portes et touchent déjà l’Afrique ». L’analyse est surprenante, mais la suite de son discours dressait des constats plus convenus : la crise sanitaire a permis à beaucoup de Français de redécouvrir les bienfaits de la campagne, et a également mis en lumière le manque de moyens des hôpitaux en milieu rural, la politique de décroissance agricole menée depuis des années et le manque de petits commerces de proximité. Si des constats communs sont donc partagés par les deux candidats de droite, ils posent cependant un regard bien différent sur l’avenir des territoires ruraux : là où Valérie Pécresse y voit une opportunité de développement et l’emplacement idéal pour de futures cités dortoirs qui s’agiteraient le week-end pour aller chasser et profiter d’un grand jardin (!), Eric Zemmour veut retrouver la France d’antan. La ruralité rêvée d’Eric Zemmour est faite de vestes Barbour, de brebis, de petits commerçants et de bistrots face aux clochers…
La question de la chasse et de la pêche
Pécresse comme Zemmour entendent évidemment chacun défendre la chasse et la pêche, témoins, selon eux, de la tradition française. Deux pratiques particulièrement chères au Mouvement de la Ruralité. Pécresse a dénoncé la situation tendue entre l’Angleterre et la France qui freine une grande partie de notre activité halieutique. Elle a déclaré que « la chasse fait partie de nos traditions », et que « c’est un acquis de la Révolution Française ». Elle a ajouté que les chasseurs étaient selon elle « les premiers amoureux de la nature. » Interpellée par un journaliste lui demandant si les chasseurs étaient vraiment des écolos, elle a esquivé la réponse et répété qu’elle était convaincue de l’amour qu’ils portent à la nature.
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De son côté, Eric Zemmour s’est montré plus ferme sur la question : « Je refuse qu’on interdise la chasse et la pêche. Les bobos attaquent et assiègent votre monde, je les ferai reculer. Les vrais écologistes, c’est vous ! »
Des solutions différentes
S’ils poursuivent des objectifs assez similaires pour la ruralité, les deux poids lourds présents au grand oral des chasseurs proposent des solutions différentes pour y parvenir.
Par exemple, lorsqu’Eric Zemmour veut tout simplement interdire les nouvelles constructions d’éoliennes, Valérie Pécresse propose de soumettre ces installations au vote local. Lorsque Valérie Pécresse veut préserver les familles rurales, elle propose d’améliorer le service public de la petite enfance en milieu rural pour aider les femmes à continuer de travailler. Eric Zemmour propose, lui, une prime de 10 000 euros pour toute nouvelle naissance dans une famille rurale. Une solution est cependant commune aux deux candidats : favoriser les produits locaux dans les cantines et privilégier ainsi les circuits courts.
Pour pallier aux déserts médicaux, Eric Zemmour propose de réinstaurer les gardes des médecins, tandis que Valérie Pécresse promet d’embaucher plus de personnels. Concernant les actions des militants vegans ou antispécistes contre les boucheries et les abattoirs, Valérie Pécresse a regretté la violence des actes perpétrés par ces derniers et appelé à ce que chacun respecte le mode de vie des autres. Éric Zemmour, lui, a dénoncé une « idéologie » à combattre. La candidate des Républicains à enfin défendu la culture comme facteur de cohésion en zone rurale, tandis que le candidat « Reconquête » n’a pas évoqué le sujet.
Eric Zemmour et Valérie Pécresse à l’épreuve de la ruralité, ce sont donc deux projets qui s’opposent mais qui revendiquent pourtant un même attachement à la culture française et aux traditions. Eric Zemmour a cependant marqué des points face à sa rivale en signant la charte et les 30 propositions de LMR, alors que Valérie Pécresse a refusé de le faire, estimant qu’elle émettait des réserves sur certains points. Alors que la réunion se terminait, un adhérent de mouvement ne me cachait pas ses doutes sur la sincérité de Valérie Pécresse: « Elle semblait fausse, c’était décevant, franchement moyen. De toute façon, on savait en venant ici que les seuls candidats qui sauraient nous parler sont Eric Zemmour et Jean Lassalle ». C’est un peu dur : Valérie Pécresse a au moins fait le déplacement, elle !