C’est désormais avéré : Pierre Laurent, le leader du PCF a pris langue avec Arnaud Montebourg. Et les points de convergence seraient nombreux et réels en vue de 2017.
C’est le communiste qui a fait le premier pas, publiquement, sur LCP, souhaitant une candidature entre « socialistes critiques, communistes, écologistes… » mais aussi « le parti de Jean-Luc Mélenchon ». Et, relancé par les journalistes, il n’a pas fallu le pousser de beaucoup pour qu’il reconnaisse ses convergences avec l’homme à la marinière.
On pourrait en déduire que la candidature de Moi-Mélenchon aura été le meilleur argument pour un rapprochement, somme toute inattendu Laurent/Montebourg, sur l’air de « les ennemis de mes ennemis sont mes amis » ? Oui, mais pas que.
Et Mélenchon cocufia son allié
En effet, il est de notoriété publique que la candidature de JLM annoncée en janvier, sans discussion avec ses alliés communistes, a froissé ceux-ci, pour rester poli. Bien qu’il conserve quelques soutiens au PC, comme Marie-George Buffet, Mélenchon semble s’être mis à dos bon nombre de dirigeants mais aussi de militants communistes, qui ont le sentiment de s’être fait faire un bébé dans le dos par leur « camarade Jean-Luc » parti seul à l’aventure des présidentielles, enterrant de facto le Front de gauche.
Mais les convergences Laurent/Montebourg semblent aller au-delà. D’abord, le PCF voit aussi, et surtout, les législatives de juin 2017, qui s’annoncent très compliquées. Or, si le PC soutenait une fois de plus JLM, quel bénéfice en tirerait-il de ce côté-là? (sauf à ce que JLM gagne la présidentielle, hypothèse volontairement non retenue par l’auteur, qui écrit en général à jeun).
Si la gauche perdait, avec Hollande candidat, les accords seraient fort compliqués entre Solferino et Fabien, le PS en voudrait d’autant plus à Mélenchon et le ferait payer de la seule manière possible en plombant le PC au maximum. Mais si Hollande gagnait, ce serait probablement sur une ligne centriste, avec Macron en étendard/rabatteur de juppéistes et bayrouistes égarés, et l’on voit mal là aussi le PS s’enfermer dans des alliances en contradiction avec un gouvernement macrollandais.
Non, Pierre Laurent, fin politique et placide aux nerfs d’acier, joue la carte Montebourg en vue d’amortir le choc des législatives, prenant le pari que seul celui-ci peut battre Hollande (ou Macron ou Valls) lors des primaires du PS. Et là, ça change tout.
Petits calculs à gauche
Car Montebourg candidat vainqueur des primaires, soutenu donc et par le PS et par le PC, cela aurait de quoi bouleverser la donne politique à gauche, où finalement Mélenchon passerait, du coup, pour le diviseur du candidat qui aurait réussi sur son nom à fédérer les grandes familles de gauche.
Alors, Montebourg, même perdant, aurait probablement les clefs de Solférino, et saurait récompenser les communistes, en repartant sur une sorte de remake du Programme commun, du chemin unitaire, le seul qui vaille pour les futures reconquêtes électorales….
À moins que Montebourg n’y aille malgré tout, hors le PS, et alors le soutien du PC ne lui serait que plus vital, et là encore l’espace pour Mélenchon serait réduit.
Mais il reste un hic : comment convaincre les militants communistes que Montebourg, qui fut deux ans ministre de Hollande avant de claquer la porte, c’est mieux que Mélenchon ? Surtout en repassant par la case primaires PS ? Surtout avec un programme, comme dessiné aux contours de l’Appel du Mont Beuvray, « colbertiste » voire « gaulliste » de gauche, faisant appel aussi bien aux syndicalistes qu’aux patrons de bonne volonté?
C’est là, probablement, que la conversation entre Laurent et Montebourg prend tout son sens. Le grand public, et même les experts, savent peu de choses de la pensée politique « intime » de Pierre Laurent, tant ses prises de positions publiques ne reflètent généralement qu’un compromis entre les courants antagonistes de la direction du PCF, où coexistent difficilement, sur fond de consensus formel antilibéral, maintes sensibilités.
Montebourg, dénominateur commun du PCF ?
Au Conseil national du parti, on retrouve, en vrac, des Nuitdeboutistes enfiévrés, des islamocompatibles résolus, des orphelins de Georges Marchais, des socialophobes hystérisés, des économicistes obsessionnels, des élus locaux prudentissimes et aussi beaucoup de communistes qui se posent des questions sur la situation nouvelle créée par les attentats, le dévissage de Hollande et la mort du Front de gauche – ce qu’on ne saurait leur reprocher.
C’est bien sûr autour de dernière cette mouvance communiste floue, « en recherche », qui reflète probablement l’opinion de la majorité des militants et des sympathisants, que Pierre Laurent devra s’appuyer. De source sûre, on dit ce dernier foncièrement attaché – en privé – aux valeurs républicaines, y compris donc à la laïcité et au patriotisme bien pensés. On comprend mieux, dans cette optique, qu’il préfère mordicus l’option Montebourg au ralliement du PCF à un Hamon, à une Aubry ou à une Taubira, qui tous, quoi qu’ils en disent, feraient bien don de leur personne à la gauche dès la rentrée de septembre.
Le patriotisme économique -et donc la réindustrialisation- qu’incarne – seul chez les frondeurs- Arnaud Montebourg, pourrait être un levier politique pour éviter ces candidatures-là, levier qui donnerait du contenu au consensus antilibéral en vigueur au PCF, et lui donnerait aussi de l’efficacité électorale, vu la popularité des thèses protectionnistes dans ce qu’on pourrait appeler « les territoires perdus de la gauche ».
Ce coup de poker est loin d’être gagné. Mais pour qui aime à la fois son pays et la gauche, il vaut d’être tenté.
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