La semaine dernière, une petite phrase politique n’a pas retenu l’attention de la presse et des grands médias, trop occupés à chercher la faute dans la surface de réparation de Nadine Morano ou à couvrir la passionnante bataille socialo-socialiste pour le perchoir. Ces quelques mots au parfum de scandale ont été prononcés par notre Président himself à l’issue du sommet du G20 à Las Cabos, au Mexique.
Comme pour étayer le titre du dernier Causeur magazine, François Hollande se veut idéologiquement « normal, trop normal » parmi les grands gouvernants de ce monde et entend nous le prouver. Quoique mi-figue mi-raisin dans son appréciation du communiqué final du G20, le chef de l’Etat se réjouit que ledit document obéisse « aux quatre objectifs [qu’il s’était] fixé pour la réussite de ce sommet : la croissance, la recherche de la stabilité financière, la lutte contre le protectionnisme et l’emploi ».
Les signataires du texte ne se cachent pas derrière leur petit doigt. Lisez plutôt : « Alors que l’économie mondiale traverse une période critique, il est important de souligner les mérites du système commercial multilatéral pour éviter le protectionnisme et le repli sur soi. Nous réaffirmons nos engagements de statu quo jusqu’à la fin de 2013, comme décidé à Toronto, et nous nous engageons à retirer toutes les nouvelles mesures protectionnistes qui auraient pu apparaître, y compris les nouvelles restrictions aux exportations et les mesures d’encouragement des exportations qui seraient contraires aux règles de l’OMC. (…) Par ailleurs, à titre de contribution à un système commercial basé sur des règles, plus efficace, nous sommes favorables au renforcement de l’OMC qui doit jouer un rôle plus actif dans l’amélioration de la transparence des relations et des politiques commerciales et dans celle du fonctionnement du mécanisme de règlement des différends. »
Lutter contre le protectionnisme ? Est-ce bien l’antienne du président dont l’un des piliers du gouvernement, ministre du redressement productif, a promu un « protectionnisme intelligent aux frontières de l’Europe » au nom de la démondialisation et du mieux-disant social ?
Des mois durant, Arnaud Montebourg citait en exemple la politique protectionniste de l’Argentine inspirée par les théories du philippin Walden Bello pour appuyer son credo démondialiste, que ses rivaux libre-échangistes du P.S associaient à une autarcie quasi-fasciste.
Tout cela avant qu’un beau jour de novembre, l’ancien député de Saône-et-Loire obtienne 17% à la primaire socialiste. Depuis, Montebourg fait les yeux doux à Hollande, en rallié exemplaire qui affiche la foi un peu brouillonne des convertis.
Quelques mois avant la présidentielle, le futur ministre faisait encore des « zones de libre-échange local » et du refus de la « concurrence avec des modèles sociaux asiatiques » sa base idéologique. A un colloque sur le libre-échange organisé à l’Assemblée, il osa même claironner : « Je souhaite la fin de l’Organisation Mondiale du Commerce (je souligne). Il faudra trouver un travail à M. Lamy ! Je souhaite qu’il ne vienne pas trop braconner dans une éventuelle victoire de la gauche » (à 1mn20 sur la vidéo).
Caramba, encore raté ! Avec le satisfecit qu’adresse le président Hollande à la dérégulation commerciale mondiale, une nouvelle ligne a été franchie. Montebourg a beau occuper une place de choix au gouvernement, Pascal Lamy domine toujours l’inconscient de la Hollandie.
Quelques semaines après sa nomination, Arnaud Montebourg avale donc sa première grosse couleuvre[1. Les plus attentifs (et les plus cruels) d’entre vous auront noté qu’Arnaud Montebourg a essuyé une autre déconvenue à travers le limogeage de Nicole Bricq du ministère de l’écologie, pour crime de lèse-pétroliers. Le 13 juin, les deux ministres avaient en effet conjointement signé le communiqué de presse prévoyant la « remise à plat » de tous les permis d’exploration pétroliers et gaziers » avant de- non moins conjointement- enterrer ce projet.] sans moufter ni assumer son reniement. A ce propos, on connaît le mot d’un autre grand pourfendeur de la mondialisation, lui aussi rentré dans le rang hollandiste après avoir si longtemps mangé son chapeau dans des gouvernements socialistes : « Un ministre, ça ferme sa gueule ou ça démissionne ». Entre les deux termes de l’alternative, Montebourg a, semble-t-il, choisi.
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