Je ne sais pas ce qui se passe mais depuis l’élection de Nicolas Sarkozy en 2007, à chaque fois que je vote, je gagne. J’ai gagné les municipales de Lille en 2008 avec une liste d’Union de la gauche et du centre dirigée par Martine Aubry qui allait du PCF au Modem. J’ai gagné les européennes de 2009 avec le Front de gauche qui avait réussi à défier l’omerta médiatique et dépasser largement le NPA : c’était l’époque où les journalistes faisaient encore des risettes au gentil Besancenot qui ne représentait pas une gauche de la gauche très dangereuse puisqu’il ne voulait s’allier avec personne, jamais.
La bonne santé du Front de gauche s’est confirmée en 2010, aux élections régionales : elles ont tout de même eu un petit air de raz-de-marée, qui allait d’ailleurs donner sa réplique sismique dix-huit mois plus tard lors des sénatoriales. En plus, lors de ces régionales, dans le Nord Pas-de-Calais, on s’est offert le plaisir toujours très fort de gagner un match dans le match contre Europe Ecologie que tous les sondages donnaient devant nous. Et il n’y a pas de soirées électorales plus réussies que celles où la mine déconfite des caciques locaux de l’UMP (une vieille habitude qu’ils ont prise sur ma terre rouge se conjugue à celle des défenseurs des pistes cyclables et de la décroissance dans une région qui crève de la désindustrialisation.
Je me suis dit que ça allait forcément s’arrêter avec les cantonales de mars 2011, élections de notables. Eh bien, non. C’étaient les dernières cantonales pour cause de réforme territoriale (fortement contestée même par les petits élus locaux de droite) et une des leçons du scrutin, néanmoins discrètement éludée, fut que le Front de gauche s’enracinait et progressait puisqu’il atteignait désormais au niveau national un joli 9% et faisait même un score à deux chiffres si on ne comptait que les départements où il était présent en tant que tel.
Je passe rapidement sur les sénatoriales, c’est du tout frais et comme dirait Copé la victoire de la gauche était ma-thé-ma-tique.
Voter, c’est comme une drogue dure. On ne veut pas redescendre. Franchement, au Parti Communiste et au PG, on nous disait de faire ce qu’on voulait mais que les primaires socialistes, ce n’était pas franchement notre truc. Elles préparaient la victoire de tout ce qu’on détestait. Le bipartisme, la personnalisation de l’élection présidentielle, la fin des partis de militants engagés, vraiment engagés. En même temps, on ne nous a pas donné de consigne. Finalement, on n’avait qu’à faire comme on le sentait, à condition de ne pas en parler. Un peu comme pour nos éventuelles pratiques religieuses dont Maurice Thorez disait non sans justesse qu’on devait les considérer « comme un vêtement d’intérieur ».
La surprise, évidemment, a été le score de Montebourg. Car tout aussi évidemment, les militants du FDG qui ont participé à la primaire socialiste (et je ne balancerai personne parmi mes camarades mais on a tout de même été un paquet si j’en juge par le nombre de poignées de main dans mon bureau de vote) ont voté Montebourg. Il faut nous comprendre. Pour une fois, on pouvait concilier la sincérité et la tactique. La sincérité puisqu’en votant Montebourg, on votait à peu de choses près pour notre programme[1. Disponible chez Librio pour 2 euros, somme équivalente à deux fois le droit d’aller voter aux primaires…] et c’est toujours agréable de voter par adhésion et non par rejet. La tactique parce que plus le score de Montebourg était élevé, plus il pèserait sur le vainqueur. Et plus il pèserait sur le vainqueur, plus il serait facile au second tour de 2012, si par une fâcheuse et incroyable malchance Mélenchon n’y était pas, de se reporter sur un candidat socialiste avec de vrais bouts de gauche dans son programme.
Alors 17, 5%, autant vous dire que ce fut la divine surprise et que l’étrange et pourtant désormais habituelle sensation d’avoir gagné m’a agréablement étreint. C’est pour cela que je voudrais nuancer l’analyse de l’ami Daoud. Je ne suis pas du tout, mais alors pas du tout certain que ce score soit dû à un siphonage de la gauche du Parti socialiste. Ou alors pas seulement. David Desgouilles, soutien de Nicolas Dupont-Aignan qui a, comme tout DLR, voté pour le « démondialisateur », ne me contredira pas : tous ceux qui, à droite comme à gauche, ont la nostalgie de l’autre politique ont voté pour Montebourg.
Au lieu de faire des comptes d’apothicaire comme Copé, Marine Le Pen, qui a oublié d’être bête, a reconnu dans la participation un désir d’alternative plus que d’alternance et a appelé les électeurs de Montebourg à ne pas se déranger pour le second tour et à attendre 2012, donc elle, donc ce qu’on appelait naguère l’autre politique.
Elle ne sera pas écoutée et de mon point de vue, c’est tant mieux. Il n’empêche qu’elle voit juste. Montebourg, finalement, c’est cette persistance à dire non à une histoire écrite d’avance qui est une de nos plus admirables constantes historiques, depuis De Gaulle en passant par Seguin ou Chevènement.
En attendant, dimanche, je vote Martine Aubry. Et je vais gagner. Comme d’habitude.
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