Ces derniers jours, l’ancien ministre du redressement productif semble revenu en grâce dans les médias.
Jugez plutôt : matinale de RTL le 27/02, puis trois interviews dans la presse écrite avec le Figaro le 03/04, Ouest-France le 07/04, Libération (en une) le 08/04, sans oublier un passage dans le journal régional de France 3 Bourgogne le même jour. À ce rythme, on ne voit guère que Jérôme Salomon de plus médiatique. Que nous dit d’ailleurs l’ancien homme politique devenu entrepreneur ? Et surtout, pourquoi, alors qu’il ne cesse de répéter depuis trois ans qu’il est rangé des voitures, donner toutes ces interviews ? Voyons cela.
Comme au Vénézuela
Montebourg a beau jeu de surfer sur le made in France, la souveraineté, l’indépendance de notre pays, précisément parce que toutes ces thématiques, il les a faites siennes depuis des années et lui avaient valu un très bon score aux premières primaires de la gauche de 2011, à contre-courant de la doxa solférinienne.
Alors, d’entendre son successeur à Bercy, Emmanuel Macron, marcher dans ses pas à l’occasion de la crise actuelle ne peut que le faire rire jaune, comme il le relève perfidement (« À Bercy, lorsque j’ai proposé des nationalisations, Emmanuel Macron expliquait que l’on n’était ‘pas au Venezuela’ et aujourd’hui lui-même propose donc de ‘faire le Venezuela’…»). Ces thèmes souverainistes qui le voyaient moqué par ses anciens camarades socialistes, dorénavant défendus par l’ancien secrétaire général de Hollande, cela ne manque en effet pas de sel !
Outsider socialiste
Les socialistes, justement, Montebourg évacue la question : « J’ai trente ans de socialisme dans les jambes. Mais aujourd’hui, je ne suis plus rattachable à un quelconque parti politique». Dont acte.
Montebourg, et c’est plus intéressant, voit même plus loin puisqu’il semble ne plus se confiner à l’intérieur du clivage droite/gauche en ajoutant «Je ne sais plus ce qu’est la gauche, même avec une couche de peinture écologique dessus. En revanche, je sais ce que sont la France et les aspirations des Français». Voilà bien une distanciation social…iste.
Ce qui nous amène à réfléchir sur le pourquoi de ce retour médiatique du bourguignon. Est-ce qu’il souhaite replonger dans le grand bain politique, et dans quel rôle ? Pour le moment, il donne plutôt l’impression de tâter l’eau avec son orteil pour voir si elle est bonne. Visiblement, elle l’est, à entendre les échos de ce retour. De là à y entrer jusqu’aux épaules ?
Si la réponse devait être positive, trois options semblent sur la table.
Les deux premières dépendent de Macron.
Le fameux « jour d’après » tant et tant rabâché par les journalistes et les politiques pourrait-il déboucher sur un big-bang amenant un gouvernement d’union nationale, comme appelé d’ailleurs de ses vœux par Jean-Pierre Chevènement, lui-même proche de Montebourg ?
Si oui, ce serait un tournant majeur du quinquennat, pour ne pas dire plus.
Option 1: Macron cède à la facilité et appelle Montebourg dans son gouvernement, comme super-ministre. En somme, Bercy mais sans personne dans les pattes, Économie, Budget, Industrie sous sa coupe.
Option 2: le nommer à Matignon, tout simplement. Le signal serait encore plus fort et vu comme un sérieux gage de ré-orientation européenne de la France en faveur des pays du Sud, assumant enfin de s’opposer au Nord, c’est-à-dire Berlin.
Évidemment, ces deux options seraient certes logiques si Macron voulait accompagner ses paroles d’actes politiques concrets, mais extrêmement risquées en cela qu’elles remettraient en selle un sérieux candidat élyséen. En outre, elles supposent un énorme préalable, que Montebourg accepte de devenir le collaborateur de Macron.
Reste la troisième option, la plus difficile à mettre en place mais la plus simple à envisager : que Montebourg se lance dans la course à L’Élysée. C’est exactement ce que laisse à penser sa conclusion sybiline auprès de Libération.
La route est longue
Montebourg ne se préoccupe pas, ou plus, des clivages, ne donne pas de brevets de gauche ou de droite, mais pense à la France et aux Français. C’est exactement le sens de l’élection présidentielle sous la Vème république, ce qui est amusant pour le défenseur obstiné de la VIème république qu’il est.
Il aime son pays, connaît les difficultés des petits patrons, vit dans un département symbolique de la France périphérique, voit ses pires prédictions se réaliser, a l’expérience et le panache et est encore jeune.
La route est longue, et même pas droite pour Montebourg, qui devra en plus s’affirmer en dehors de sa zone de confort européo-économique sur les sujets régaliens qui sont certes mis sous le boisseau médiatique actuellement mais reviendront très vite dans le débat public demain. Il devra nécessairement s’ouvrir concrètement aux républicains des deux rives et parachever ce que son père spirituel Chevènement lui-même n’aura pas pu accomplir.
Les difficultés sont nombreuses, mais sont indispensables à résoudre pour espérer remporter les suffrages et éviter que le pays ne tombe dans le populisme. Alors, en 2022, Macron verra-t-il après Marine hier la marinière se dresser face à lui ?
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