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Montal, l’avant-centre stéphanois

Bon anniversaire Jean-Pierre!


Montal, l’avant-centre stéphanois
L'écrivain Jean-Pierre Montal. Photo : François Grivelet.

Pourquoi faut-il le lire et surtout le primer avant qu’il ne s’exile dans une tour vitrée de Javel?


Dans sa génération, il fait figure d’exception. Cet écrivain à la cinquantaine bourgeonnante ne répond pas aux critères habituels de l’auteur moderne. Il ne veut ni sauver la planète, ni nous alerter sur les dangers d’une mondialisation gloutonne. Il ne marche pas sur les routes de France afin de se reconnecter à la nature. Il ne professe rien. Il ne philosophe pas. Il n’aspire à rien si ce n’est à acquérir une Jaguar XJS. Il observe seulement le marasme ambiant et se marre intérieurement. Il ne tient aucune tribune dans un média progressiste, ce qui explique en partie son absence de prix (pour l’instant) mais nous y reviendrons plus tard. Tentons d’abord de le croquer, de s’en approcher, bien qu’il soit méfiant et atrocement pudique. Physiquement, ce Bryan Ferry du stade Geoffroy-Guichard a le cheveu propre et la Chelsea boot cirée. Il porte le trench Melvillien les soirs de grande fatigue morale, je l’ai vu aussi en costume italien, comprimé dans ses laines froides que les barons de la Fininvest arborent dans le quartier d’affaires Porta Nuova de Milan. Il peut parfois plus étrangement enfiler un tee-shirt de base-ball floqué grossièrement, ce que j’appelle son sentimentalisme californien, son populisme à lui. Le plus souvent, sa rigueur d’écrivain se retrouve dans ses tenues, nous oscillons entre un Swinging London désespéré et un classicisme à la française tendance Yves Robert, une sorte d’héritier de Maurice Ronet ou de Jean Rochefort qui aurait perdu sa virginité dans le comté de Dorset, lors de ces pluvieux étés anglais, où les verbes irréguliers et les twin-sets vert fluo de nos correspondantes formaient une même trame narrative. En somme, entre La Piscine et Courage, fuyons, Montal déploie sa singularité. C’est dire s’il fait tache et anachronique dans le milieu littéraire où le faussement dégingandé et la dictature souillonne règnent en modèles d’apparat. Pourquoi tous ces détails vestimentaires, me direz-vous ? Nous sommes loin des mots et de leur fracas, de la construction d’un roman à son abstraction. Détrompez-vous ! Nous sommes au cœur du sujet. Parce que tous ces détails corsètent l’Homme de lettres, lui donnent son impulsion et nous en disent bien plus sur ses véritables qualités de plume. Je ne vous parlerai donc pas de son très réussi dernier roman, Leur Chamade aux éditions Séguier, ma consœur Sophie Bachat lui réserve bientôt un traitement de faveur dans les colonnes de Causeur. Elle en parlera avec l’élan et l’émoi qui la caractérisent. Et puis, je suis disqualifié déontologiquement, c’est un ami et il fut mon éditeur. Est-ce un crime d’avoir des amis qui écrivent bien et juste, sans graisse et pathos, avec suffisamment de pudeur contenue pour exprimer le lent délitement des sentiments ? Ce que j’admire chez ce Modiano au style métallique, c’est son absence de relâchement. Aujourd’hui, tout est relâché, les opinions, les bas de pantalon, les automobiles et même la musique dodécaphonique. Il est le porte-drapeau d’un nouveau courant littéraire qui écrit pour tuer le temps, pour retenir quelques souvenirs, quelques visages jadis admirés, pour se sentir un peu moins con et un peu plus vivant, pour la beauté d’un paragraphe, pour une phrase qui bougera admirablement son cul sur la page blanche, pour une offrande sans retour. En toute circonstance, Montal conserve son quant-à-soi, cette forme de mystère qui déride l’esprit, il ne se vautre pas dans le brumeux sentencieux et refuse d’expliquer son processus narratif avec l’air satisfait d’un recalé en classe de propédeutique. Certains pourraient avancer comme explication à ce détachement, sa timidité ou son snobisme, cette vieille courtoisie des anciennes provinces du Forez. À l’écart des pétitions virtuelles et des encartages félons, son dilettantisme a quelque chose de souverain, de tellement rafraîchissant, ça nous change des affidés au système qui tendent la sébile pour se faire battre. Montal ne demande rien à son lecteur. Il n’a pas vocation à diligenter sa vie, à le tancer ou à lui montrer le chemin des béatitudes. Et pour ça, nous le remercions vivement. Je veux croire que sa présence dans la sélection de printemps du Renaudot est le signe annonciateur d’un grand prix d’automne !

Leur chamade - prix Jean-René Huguenin 2023

Price: 20,00 €

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Journaliste et écrivain. À paraître : "Tendre est la province", Éditions Equateurs, 2024

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