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Mona Chollet réinvente l’amour, l’eau tiède et la roue

Féminisme, hétérocentrisme: elle en fait tout un fromage


Mona Chollet réinvente l’amour, l’eau tiède et la roue
Mona Chollet ©D.R.

Le dernier brûlot féministe de Mona Chollet brasse de l’air. Les intellos de France culture y trouvent beaucoup d’intérêt, alors que nombre des idées avancées dans cet essai ne peuvent que provoquer un éclat de rire.


Les librairies en sont pleines. On se les arrache. À l’approche des fêtes de Noël, on les destine à devenir des cadeaux qu’on offrira à une amie victime du patriarcat, à sa mère soumise, à sa sœur opprimée ou à sa fille dégenrée. Ces ouvrages dits féministes, sujets de dissertation sur France Culture et dans Cosmopolitan, connaissent un grand succès. Faciles à lire, répétitifs, ils brassent l’air du temps et ventilent le réseau neuronal de lectrices hébétées qui pensent par exemple que le dernier livre de Mona Chollet est « un récit net, vif et plein de conscience ! », qu’on « se sent moins étrange quand on lit Mona Chollet », ou que « ce livre fait gagner en lucidité et permet de comprendre nos configurations ». (Commentaires chinés sur le plus fréquenté des sites de vente en ligne – ça ne s’invente pas ces choses-là.) 

Dans le marigot du “genre” avec Mona

L’essayiste et journaliste Mona Chollet, « la plus lue des féministes de la vague #meetoo » (dixit Le Monde), possède intellectuellement certaines qualités des excellents fromages qui ont fait la réputation de son pays natal, la Suisse. Sa pensée est à trous ou à tartiner. Ses livres ressassent deux ou trois “idées féministes” en cours d’affinage et se vendent comme des petits pains. Mme Chollet sort un nouveau pensum dans lequel elle étale une distrayante pseudo-science de journaliste-stagiaire pour magazines féminins. Dans Réinventer l’amour, elle promet d’expliquer « comment le patriarcat sabote les relations hétérosexuelles » et délaie sur 272 pages ses dernières réflexions.

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Curieusement, plus les preuves de la disparition de « l’ordre mortifère du patriarcat » éclatent au grand jour, plus certaines féministes s’acharnent à faire du bouche-à-bouche à cet épouvantail décharné. Mona Chollet tente même le difficile exercice de rendre ce moribond coupable du sabotage de pratiques hétérosexuelles remontant pourtant à la plus haute Antiquité et qui de toutes manières sont vouées, elles aussi, à périr noyées dans le marigot du genre, de la fluidité, de l’indifférenciation sexuelle.

Le militantisme produit une mauvaise littérature, une crème pas fraîche

L’essayiste cite énormément d’auteurs, et quels auteurs ! Ainsi, dans le seul premier chapitre de cet ouvrage béatifiant, Alain Badiou (visiblement inspiré par une lecture récente de l’œuvre de Barbara Cartland) est à l’honneur : « Le bonheur amoureux est la preuve que le temps peut accueillir l’éternité. » De la géniale Alice Coffin, Mona Chollet retient cette réflexion anxieuse : « L’hétérosexualité des femmes reste pour moi un douloureux problème. » Histoire de revenir un peu les pieds sur terre en même temps que de prendre de la hauteur (exercice périlleux), elle évoque la toujours stratosphérique Virginie Despentes : « Libérée de la séduction hétérosexuelle et de ses diktats ! D’ailleurs, je ne peux même plus lire un magazine féminin. Plus rien ne me concerne ! Ni la pipe, ni la mode. » Lors de ce procès contre le patriarcat et « l’hétérocentrisme » sont également convoquées à la barre Rokhaya Diallo, Grace Ly, Manon Garcia, Annie Ernaux, Monique Wittig, Christine Delphy, etc., autant dire la crème de la crème du féminisme, du bourdieusisme, du racialisme, du lesbianisme, en un mot de tous les ismes intersectionnellement rebutés par l’homme blanc hétérosexuel.

« La perversité de nos sociétés est de nous bombarder d’injonctions à l’hétérosexualité tout en éduquant et en socialisant méthodiquement les hommes et les femmes de façon qu’ils soient incapables de s’entendre. » Voilà une phrase très rigolote, représentative de l’ensemble du livre, qui ne veut strictement rien dire – qui est, à proprement parler, du vent – parce qu’elle ne repose sur aucune réalité et qu’elle semble n’avoir été écrite que pour pousser les petits cris horrifiés qu’on retrouve dans tous les tracts féministes. Entre autres pleurnicheries bafouillées, les « injonctions à » (l’hétérosexualité, le désir, la séduction, etc.) font florès dans cette sous-littérature militante. 

L’hétérosexualité répandue par la propagande et maintenue par la force…

Désireuse d’« ouvrir le chantier des relations hétérosexuelles », Mona Chollet, la truelle à la main, construit un immeuble conceptuel bancal : si elle ne croit pas que l’hétérosexualité soit simplement le « cheval de Troie [du patriarcat] dans le cœur des femmes », elle reprend à son compte l’idée d’Adrienne Rich, une féministe lesbienne américaine qui considère que l’hétérosexualité est « quelque chose qui a dû être imposé, dirigé, organisé, répandu par la propagande et maintenu par la force », ou la théorie de Wittig qui y voit « un régime politique ». Avec l’aide de Jane Ward, une autre féministe lesbienne américaine soulagée de « ne pas être hétérosexuelle » et se demandant si « l’homophobie n’est pas motivée par une jalousie obscure », Mme Chollet aimerait « actualiser l’hétérosexualité plutôt que la défaire ». Même si « considérée un peu froidement, l’hétérosexualité est une aberration ». À froid, on peut même considérer que cette dernière phrase est, au-delà d’une aberrante stupidité, une prodigieuse ânerie.

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Si vous n’avez ni le temps ni l’envie de lire cet essai, essayez quand même d’écouter l’entretien que Mona Chollet a donné à la complaisante Olivia Gesbert lors de l’émission La grande table sur France Culture (16 sept. 2021). Les poncifs et les truismes s’y succèdent à la vitesse de la lumière. Aux remarques ridicules et flagorneuses d’Olivia Gesbert, Mona Chollet ajoute de chétives platitudes et réinvente, en plus de l’amour, l’eau tiède et la roue. Trente minutes d’inculture arrogante et de ripolinage médiatique. Je connais toutefois des femmes qui ont beaucoup ri en écoutant cette émission. Il faut dire que ce sont des femmes qui ne se sont jamais senties « prisonnières des stéréotypes », qui baillent lorsque l’une de leurs pareilles se propose « d’érotiser l’égalité », et qui explosent littéralement de rire quand on leur dit que « le patriarcat a façonné leur vie intime ». Après l’écoute de cette farce radiophonique, l’une d’elles s’est tournée vers son mari et lui a déclaré solennellement : « Je te préviens que si tu m’achètes le bouquin de cette hallucinée pour Noël, je demande le divorce. » Je crois savoir que le mari en question, un ami à moi, a prévu de lui offrir toute l’œuvre de Maupassant et le DVD du film de Jean Renoir tiré d’une des nouvelles des Contes grivois, Une partie de campagne, qu’elle adore. Il y a des soirées de Noël qui s’annoncent de meilleur goût que d’autres.

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Amateur de livres et de musique. Dernier ouvrage paru : Les Gobeurs ne se reposent jamais (éditions Ovadia, avril 2022).

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