Accueil Culture L’ours en peluche, un ami pour la vie!

L’ours en peluche, un ami pour la vie!

La chronique du dimanche de Thomas Morales


L’ours en peluche, un ami pour la vie!
Steiff — Ours en peluche Vers 1910 ou 1912 Peluche de mohair ; museau rasé; sous-pattes en feutre © Les Arts Décoratifs / Christophe Dellière

À quelques jours de Noël, Monsieur Nostalgie ne résiste pas à une épaisse couche de mignonneries. Il s’est rendu à l’exposition « Mon ours en peluche » au Musée des Arts Décoratifs (jusqu’au 22 juin 2025). Accordons-nous cette pause de câlinothérapie dans un quinquennat de guingois !


Je ne connais rien de plus réconfortant que de croiser le regard de Paddington, plantigrade péruvien exilé à London, en duffle-coat et bottes en caoutchouc dans une salle du Musée des Arts Décoratifs, alors que dehors, il pleut à grosses gouttes sur la rue de Rivoli. Surtout lorsqu’il est accompagné de sa Tante Lucy enrubannée dans un châle et chapeautée comme une mémé du Bourbonnais. Elle couve amoureusement son petit ourson derrière des besicles embuées. Un peu de douceur ne nuit pas aux relations humaines. Bouba et Frisquette tiennent une place d’honneur dans le panthéon télévisuel des années 1980, c’était le bon vieux temps de l’accalmie, Jean Rochefort nous contait les aventures de Winnie the Pooh sur FR3 avec la voix de Roger Carel. Seuls les cœurs secs restent insensibles à cette tendresse venue du fond de l’enfance. Face à Paddington, à sa courtoisie et à sa générosité, les tribulations des assemblées et les tripatouillages électoraux ne produisent qu’indifférence et dédain. Quand l’actualité s’embourbe dans la farce, quand les Français se sentent dépossédés de leur pré-carré, il faut savoir mettre l’horloge sur pause, au moins durant la quinzaine de Noël. Reprendre ses esprits après une année politique cauchemardesque, se désengager des misères du quotidien, des hautes doses de moraline et des dénis de réalité. En janvier, la longue cohorte des emmerdements reprendra ses droits et possession de nos vies bien assez vite. Pour l’heure, évadons-nous au pays des ours en peluche, de la littérature jeunesse et des veillées dans cette exposition moelleuse à souhait qui se prolongera jusqu’à l’été 2025. Zizi Jeanmaire aurait pu chanter « mon truc en peluche, ça fait rêver, mais c’est sacré ». Sacrés, les ours en peluche le sont assurément car ils nous suivent tout au long de notre existence. Il ne viendrait à l’idée de personne de les abandonner dans une déchetterie. Les psys les considèrent comme des objets transitionnels. Les démantibulés, les rapiécés, les lustrés, les éborgnés, tous les éclopés ont notre affection.

A lire aussi: Sonia Mabrouk: dernier appel avant la catastrophe

Nos grands-mères les conservaient tels des talismans, les jouets étaient jadis chers et ces peluches dépenaillées leur avaient permis de traverser des guerres et bien des chaos intimes. L’ours en peluche a sauvé plus d’enfants que des diplomates en habit de gala attablés devant un lapin chasseur. L’exposition nous apprend que l’invention est récente. Simultanément, l’ours en peluche fait son apparition en Allemagne et aux États-Unis. Dans l’imagerie populaire, depuis le Moyen Âge, ce noble animal était moqué, il avait été supplanté par le lion, roi de la jungle ou le cerf, roi des forêts. On ne louait plus sa force, il servait d’attractions foraines, en laisse ou sur un vélo, il était meurtri par tant d’indignités publiques. Il naît donc officiellement en 1902, dans la famille Steiff sous la forme d’un jouet de compagnie. Margarete Steiff, atteinte de la poliomyélite contractée dans son enfance, a ouvert, dès les années 1870, un atelier de couture où elle conçoit des éléphants en feutre. Richard, son neveu croit aux vertus enfantines des singes et des ours articulés qui peuvent ainsi imiter les mouvements des Hommes. En se rendant au zoo, il affine ses esquisses et ses recherches aboutissent à la première peluche en mohair rembourrée de paille de bois baptisée Bär 55 PB : 55 pour la taille en centimètres, P pour plüsch ou peluche, B pour beweglich ou mobile. Au même moment, en Amérique, le président Roosevelt gracie un ours lors d’une chasse organisée dans le Mississipi. Afin qu’il ne revienne pas bredouille, lâchement on lui a attaché un ours à un arbre. Roosevelt se refuse de tirer sur un animal sans défense. La mode est lancée. La presse et notamment le dessinateur Clifford K. Berryman popularisent ce « fait d’armes ». « Rose et Morris Michtom, propriétaires d’une confiserie à Brooklyn, réalisent un ourson en tissu bourré qu’ils envoient à Roosevelt et (le) vendent ensuite, avec son autorisation, sous le nom de « Teddy’s Bear » nous informe-t-on. Des fabricants se lancent dans sa production de masse, de plus ou moins bonne qualité. Le Musée des Arts Décoratifs en expose de nombreux modèles, de différentes tailles, époques et origines derrière des vitrines. Et même de très précieux signés par les grands noms de la haute couture.

On dit qu’il existe un conflit intergénérationnel dans notre pays. Lors de ma visite, j’ai assisté à des scènes touchantes où des enfants d’une école primaire entamaient la discussion avec des « boomers », les yeux des petits et grands brillant à l’unisson – notre « vivre-ensemble » n’est donc pas mort. Dès l’entrée, j’ai été surpris de voir la présence du collier de Rahan qu’il avait, selon la légende, hérité de son père. Après l’avoir acheté dans Pif Gadget, je l’ai porté une semaine avant que ma mère mette le holà à cette dérive des âges farouches. Je ne me souvenais plus qu’il était composé de griffes d’ours (en plastique) ! Aujourd’hui, j’ai honte de m’être moqué du « Bisounours arc-en-ciel » de ma petite cousine. Je fais ici mon mea-culpa.

Exposition « Mon ours en peluche » – Musée des Arts Décoratifs – 107, rue de Rivoli 75 001 PARIS

Tendre est la province

Price: 19,00 €

11 used & new available from 12,42 €

Monsieur Nostalgie

Price: 17,00 €

8 used & new available from 11,67 €



Vous venez de lire un article en accès libre.
Causeur ne vit que par ses lecteurs, c’est la seule garantie de son indépendance.
Pour nous soutenir, achetez Causeur en kiosque ou abonnez-vous !

Article précédent Virgile en Auvergne
Article suivant À la table de mare nostrum
Journaliste et écrivain. À paraître : "Tendre est la province", Éditions Equateurs, 2024

RÉAGISSEZ À CET ARTICLE

Pour laisser un commentaire sur un article, nous vous invitons à créer un compte Disqus ci-dessous (bouton S'identifier) ou à vous connecter avec votre compte existant.
Une tenue correcte est exigée. Soyez courtois et évitez le hors sujet.
Notre charte de modération