Coup de chapeau à un jeune écrivain qui ne cesse d’étonner, voire continue de nous épater. À suivre et poursuivre.
François-Henri Désérable a un talent fou. Je répète : François-Henri Désérable a un talent fou. On aimerait presque s’en tenir à ces mots et être cru sur parole. Mais on va étayer, à peine – parce que c’est désagréable, aussi, de n’être pas cru sur parole. François-Henri Désérable est très drôle, et très rapide. Son livre ? Une manière de roman d’amour et de rupture façon thriller. Cela commence dès la dédicace du livre : « Bien à toi ». Cela ne vous fait pas sourire, maintenant que vous savez de quoi il retourne (une rupture) ? Alors ne lisez pas le livre. Mais vous pouvez quand même lire la première phrase, le fameux incipit : « J’ai su que cette histoire allait trop loin quand je suis entré dans une armurerie. » Toujours pas envie ? L’histoire d’une femme sur le point de se marier qui tombe amoureuse d’un conservateur de la BnF : sur le papier, presque banal. Ce qu’en a fait François-Henri Désérable ? Un bijou. Croyez-nous. Nous lisons. Beaucoup. On guette la surprise. François-Henri Désérable nous a cueilli. Le titre est un vers de Verlaine (qui hante, comme Rimbaud, Aragon, Camus, Michaux, Apollinaire, les pages de ce livre d’une délicatesse et d’une élégance insignes). Le théorème de Magritte est magnifique : deux sortes de peintres, ceux qui s’adressent à l’œil et ceux qui s’adressent à l’esprit. Le premier regarde un œuf – et peint un œuf. Le second regarde un œuf et peint… un oiseau qui s’envole : visionnaire, il anticipe. Cela ne vous donne toujours pas envie ? Le livre est recru de ce genre de… visions. Une dernière : l’héroïne a trouvé un studio à Barbès, « son proprio est aussi celui d’un kebab qui fait salon de coiffure, il appelle ses clients chef, et les clients disent : bien dégagé derrière les oreilles, avec de la sauce samouraï. » Toujours pas ? Depuis quand n’avait-on pas lu un livre aussi intelligent, virevoltant (dixit son éditeur, et on n’a pas mieux) et poétique (cette dernière vertu est peut-être la plus précieuse) ? On ne se souvient pas. Mais votre serviteur n’oubliera pas Mon maître et mon vainqueur.
Mon maître et mon vainqueur, de François-Henri Désérable, Gallimard.
Causeur ne vit que par ses lecteurs, c’est la seule garantie de son indépendance.
Pour nous soutenir, achetez Causeur en kiosque ou abonnez-vous !