Ça faisait longtemps. Peut-être trois jours au moins que l’Eglise catholique n’avait pas été au centre d’un scandale mondial dont elle est désormais coutumière. On s’habitue à tout. Qu’on se rassure : aucun journal n’a révélé que Benoît XVI battait sa femme – pas l’actuelle, mais son ex, dont il a divorcé et dont il a eu vingt-cinq enfants, tous placés comme il se doit chez les Enfants de Marie. Ça, on ne l’apprendra que la semaine prochaine en feuilletant nonchalamment son journal : plaise à Dieu de nous prêter vie jusque-là ! Non, cette semaine, la presse a montré qu’elle pouvait servir à autre chose qu’à emballer le poisson en consacrant ses gros titres à un truc qui déchire vraiment sa race. Et ce sont nos estimables confrères du Parisien qui se sont coltinés la tâche en titrant jeudi : « Les richesses cachées de l’Eglise ».
Certes, le hasard ou la Providence a voulu que ce titre occupant cinq colonnes à la une soit placé juste au-dessus d’une photo légendée : « La colère des pêcheurs ». Hormis l’orthographe, on aura bien compris que même les pécheurs se mettent en colère quand on apprend que les caves vaticanes recèlent le trésor des Templiers, les valises de la Loge P2 et les avoirs résiduels de la banque Ambrosiano. Car Le Parisien nous promet des scoops comme un évêque en bénirait : « Notre journal révèle l’étendue du patrimoine immobilier de l’Eglise de France, entre hôtels particuliers et siège d’un grand groupe. Le Vatican, lui, loue des appartements parisiens haut de gamme à plusieurs personnalités. » Je vous le dis : Satan est dans la place.
Si encore il diavolo était dans la place, ça ne ferait pas grand bruit. Mais, nous dit-on, le diocèse de Paris possède des immeubles dans la capitale. Pire : le Vatican détient dix beaux immeubles dans la Ville lumière ! Bon, je sais, comme révélation, c’est un peu nul. Je m’attendais à autre chose. On nous aurait dit que l’archevêque de Paris coupait l’eau bénite avec de l’eau du robinet, qu’il allait dealer en loucedé de l’encens place des Innocents ou qu’il revendait au marché noir les boutons laissés à la quête par des paroissiens du dimanche, on aurait pu au moins rigoler.
Mais Le Parisien n’est pas d’humeur à la rigolade. Empreint de gravitude, il nous fait même le coup, en encadré, du « pactole des Petites Sœurs des pauvres » et des « propriétés secrètes de l’Eglise ». Confondant allègrement estimation du patrimoine et compte d’exploitation, mon estimé confrère (j’ai oublié son nom, mais je ne voulais pas l’appeler de toute façon) considère que trop c’est trop, et que l’Eglise exagère.
Oui, bien chers frères, bien chères sœurs, je vous le dis : l’Eglise exagère. Elle possède à Paris des biens d’une valeur folle. Si folle qu’ils en deviennent invendables et n’ont plus guère de place sur le marché. Enfin, cela valait avant la crise : l’Eglise se refusant à placer ses avoirs en bourse a préféré, en bon père de famille, investir dans les valeurs sûres… Rien chez Bernard Madoff : la honte !
Mon prénom étant François, je voue un culte très particulier à mon homonyme d’Assise : lui c’est lui, moi c’est moi. Les Fioretti racontent que le père du saint rital se plaint de son rejeton et de sa générosité : alors qu’il n’est encore qu’un bobo convenable d’Assise, saint François distribue la fortune paternelle aux pauvres. Le père n’en peut plus et les deux parties se retrouvent un jour au tribunal : au lieu de plaider sa cause, François d’Assise se dévêt de ses frusques devant la cour, pour ressortir à poil. Les chemins de la sainteté sont souvent gore.
Seulement, que veut Le Parisien : que l’Eglise se prive de tous les moyens de sa subsistance, qu’elle arrête la quête, qu’elle renonce au denier du culte et que Mgr Vingt-Trois exhibe ses génitoires en public ? On se cacherait les yeux devant tant de mystères qui doivent rester secrets. En attendant, continuons le combat : pourquoi hosties et sacrements ne sont-ils pas gratuitement téléchargeables sur Internet ?
L’Eglise de France a aujourd’hui trois sources de revenus : la quête, le denier du culte et les loyers de son patrimoine immobilier. Pour le diocèse parisien, ces derniers représentent un peu moins de 17 % de ses ressources sur un budget avoisinant les 52 millions d’euros. Ce n’est un secret que pour ceux qui sont privés de connexion Internet : les comptes du diocèse de Paris sont disponibles en ligne…
En revanche, ce qui ne sera jamais rendu public, c’est le prix des loyers consentis à mes très honorables confrères de la presse par la Ville de Paris. Sous saint Jacques Chirac, saint Jean Tiberi ou saint Bertrand Delanoë, ce que l’on veut du côté de l’Hôtel de Ville ce sont des journalistes bien logés, et moins habités.
Certes, l’Eglise catholique achète, en leur louant des appartements, le silence de certains. Et Le Parisien nous apprend que même Bernard Kouchner est locataire du Vatican ! Le salaud ! La crapule finie. Que ce vendu au catholicisme paie enfin sa dette ! Hier, il déclarait que les propos du pape sur la capote étaient criminels, on lui souhaite maintenant une augmentation des charges assassine. Et l’on verra si Nanard-les-bons-tuyaux descend lui-même ses poubelles.
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