Les rapports de Molière à la religion sont méconnus et subtils. Apparemment fidèle au catholicisme, il n’a jamais attaqué frontalement le clergé ni cherché à ébranler la foi chrétienne. Plus encore, dans Le Tartuffe, il ridiculise les bigots et les hypocrites, et dans Dom Juan, il fait mourir celui qui défie le ciel. Qui mieux qu’un prêtre pour en parler ?
Prêtre de l’Oratoire de France – congrégation du xvii siècle fondée en 1611 par le cardinal de Bérulle, onze ans avant la naissance de Molière –, Jérôme Prigent a également été vicaire à la paroisse Saint-Eustache pendant cinq ans. Il enseigne les lettres classiques. Les 14, 15 et 16 janvier, à l’occasion des quatre cents ans de la naissance de Molière, il organise avec la paroisse Saint-Eustache trois journées de rencontres avec des morceaux choisis de pièces de Molière joués en « oratorio », une table ronde « Molière et Dieu », deux représentations d’Amphitryon, et une messe solennelle in memoriam. Jérôme Prigent nous accueille dans cette magnifique église du quartier des Halles, qui a vu naître Molière, pour nous parler du rapport du grand Poquelin à Dieu.
Causeur. Quels sont les liens entre Molière et Saint-Eustache ?
Jérôme Prigent. Molière est né non loin de là, rue Saint-Honoré, où son père qui était tapissier du roi avait sa demeure. La famille Poquelin avait pour paroisse territoriale Saint-Eustache. Il y a donc été baptisé. Lorsqu’il meurt, à la suite de la quatrième représentation du Malade imaginaire dans la salle du Palais-Royal, Molière demande le secours d’un prêtre qu’il ne parvient pas à obtenir. Et comme il n’a pas eu le temps d’abjurer sa profession – l’excommunication était encore le sort des comédiens –, il a été enterré un peu en catimini quelques jours après, à la tombée de la nuit, à Saint-Eustache, grâce à l’intervention, dit-on, de son épouse Armande auprès du roi qui aurait obtenu cette faveur de l’évêché.
Molière fréquentait-il la paroisse ?
On croit savoir qu’il communiait à Pâques. Et pour un pratiquant de l’époque, c’était un signe de fidélité. On sait qu’un certain nombre de libertins – libertin à cette époque veut
