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Molenbeek, l’arbre qui cache la forêt islamiste

La ville d'origine de nombreux terroristes reflète les contradictions de la Belgique


Molenbeek, l’arbre qui cache la forêt islamiste
Marché de Molenbeek, place communale, janvier 2019. ©Monasse/Andia Photos

Tristement célèbre depuis les attentats de 2015 et 2016, la commune bruxelloise de Molenbeek présente un double visage. Bobo d’un côté, ghetto islamisé de l’autre, la ville d’origine de nombreux terroristes reflète les contradictions de la Belgique. Reportage. 


« Quand Trump dit que Molenbeek est un trou à rats et Zemmour qu’il faut nous bombarder, ça va loin ! » s’insurge Ali, 30 ans. Depuis quelques années, Molenbeek-Saint-Jean s’est attiré la réputation de plaque tournante du djihadisme. Et pour cause : le noyau dur du commando de l’État islamique à l’origine des attentats de novembre 2015 (Paris) et septembre 2016 (Bruxelles) a grandi dans cette commune de 100 000 habitants. Passés de parcours délinquants ou criminels à Daech, Abdelhamid Abaaoud, les frères Abdeslam et Mohamed Abrini formaient une bande de copains molenbeekois originaires du Maroc, comme 60 % de la population locale. Leur équipée barbare a symboliquement pris fin le 18 mars 2016, jour de la capture de Salah Abdeslam dans la cave de son cousin… à Molenbeek.

« Au Nouvel An, il y a eu des voitures, des poubelles et des appartements brûlés dans tout Bruxelles, mais on n’a parlé que de Molenbeek »

Dernier scandale en date, la publication d’un prêche de 2009 au cours duquel le recteur de la grande mosquée Al Khalil de Molenbeek appelait à « brûler les sionistes ». De tels propos font désordre dans la bouche du président de la Ligue des imams de Belgique, qui a pignon sur rue à Bruxelles. Car, comme Marseille, la capitale du royaume a conservé ses quartiers populaires et immigrés dans son enceinte au lieu de les rejeter en périphérie. Plusieurs des 19 communes bruxelloises constituent ainsi des petits Molenbeek où les minorités turques (Saint-Josse, Schaerbeek, Laeken) et marocaines (Anderlecht, Forest) tendent à constituer des majorités locales.

A lire aussi: Elisabeth Lévy – Belgique, l’autre pays du djihad

À un jet de pierres de la Grand-Place, longé par un tramway, le canal de Willebroeck sépare Bruxelles-ville de la tristement célèbre Molenbeek. Sur les quais, la belle brique rouge du centre pour demandeurs d’asile du Petit-Château voisine avec une fresque érotique. En face, des portraits pop art de quidams lunettés ou voilés ornent l’entrée de Molenbeek. Pour l’heure, les seuls radicalisés que je croise sont des cyclistes pédalant comme des dératés sur la piste face au Phare du Kanaal, un bar et « espace de co-working » à la façade peinte façon BD. Le lieu est prisé des bobos. À quelques encablures, dans le foyer associatif du quartier Maritime où il officie, Ali s’agace de l’image de coupe-gorge qui colle à la peau de sa ville : « Au Nouvel An, il y a eu des voitures, des poubelles et des appartements brûlés dans tout Bruxelles, mais on n’a parlé que de Molenbeek. Puisque c’est vendeur pour les médias, tout ce qui s’y passe est démultiplié. » La nuit de la Saint-Sylvestre, de jeunes Molenbeekois ont incendié des poubelles, un sapin de Noël, caillassé une voiture de pompiers, pillé une pharmacie, dévasté du mobilier urbain. Au lendemain de ces déprédations, la nouvelle bourgmestre Catherine Moureaux a certes réclamé la fin du sentiment d’impunité, mais surtout stupéfait l’opinion publique en déclarant : « Si nous n’organisons pas de fête, les jeunes font leur propre fête ! »

Pâtisseries orientales, boucheries hallal, agences de voyages vers le Maroc, librairies islamiques…

De bon matin, dans ces rues désertes, on imagine mal la délinquance, les trafics, le racket qui peuvent sévir nuitamment aux abords du métro Étangs noirs. Des quais, la rue de l’Avenir et ses friches nous plongent dans le passé laborieux de ce petit Manchester aujourd’hui désindustrialisé. Dès 1964, des ouvriers marocains et turcs s’y sont installés pour venir travailler dans les mines de charbon en vertu des conventions signées avec leur pays d’origine. Leurs familles suivront à l’instauration du groupement familial en 1973. À mesure que l’on s’éloigne du canal, le décor et la population changent. Le vieux Molenbeek déploie ses enseignes qui fleurent bon le bled : pâtisseries orientales, boucheries hallal, agences de voyages vers le Maroc, librairies islamiques, magasin de chaussures El-Qods, cafés branchés sur Al-Jazira, coiffeuses pour mariées, marchands de bondieuseries coraniques… Nombre de librairies islamiques sont pavoisées aux couleurs de Jérusalem. D’innombrables brochures religieuses du type « Daoud, roi et prophète » (merci pour l’ego !), « La Palestine nous unit »,


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Février 2019 - Causeur #65

Article extrait du Magazine Causeur




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est journaliste.

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