Dans la matinée du 27 mars, la présidente moldave Maïa Sandu a promulgué une loi entérinant le changement de langue officielle de la petite république, supprimant ainsi toute référence au moldave.
Les thuriféraires de la mesure estiment en effet cette dénomination fort impropre, n’étant en réalité autre chose que du roumain ne différant aucunement de celui des locuteurs d’outre-Prout, tandis que ses opposants dénoncent déjà une concession faite à l’Occident, voire une propédeutique à une annexion du pays par Bucarest. Au cœur de l’épineuse question se trouvent les liens historiques, culturels et linguistiques qui unissent ces deux pays.
Tentative de forger un peuple distinct à l’issue de la Seconde Guerre mondiale
De fait, l’utilisation de l’ethnonyme n’est pas prise à la légère dans la petite république de 2,6 millions d’habitants à l’histoire aussi mouvementée que complexe. Si la Moldavie fut de 1359 à 1859 l’une des trois principautés constitutives du futur Royaume de Roumanie, et forme encore l’une des trois grandes régions traditionnelles du pays dans sa partie occidentale, l’Etat moldave actuel doit sa genèse à l’URSS. Celle-ci n’avait en effet pas supporté la perte de ses territoires bessarabes et avait créé en 1924 une « République Socialiste Soviétique Autonome Moldave » sur le territoire ukrainien afin de préparer les esprits à la conquête de la région, ce qu’elle fera effectivement vingt ans plus tard à l’issue du second conflit mondial. Outre l’imposition de ce nom pour tenter de forger un peuple distinct, Moscou en avait alors profité pour peupler la zone orientale par des populations russes afin de l’ancrer plus profondément dans son giron.
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Avec l’indépendance de 1991, l’idée d’une éventuelle unification entre la Moldavie et la Roumanie suscita l’intérêt des spécialistes de la politique internationale. Régulièrement évoquée dans les médias et alimentant les discussions entre les gouvernements et les citoyens des deux pays depuis trente ans, la thématique n’a toutefois jusqu’ici débouché sur rien de concret. Toutefois, le peuple moldave a affirmé jusqu’ici sa volonté d’indépendance, notamment lors du référendum de 1994, tenu il est vrai sous la pression sécesionniste de l’entité transnistrienne et des armées russes.
La Roumanie a rejoint l’U.E. en 2007
Depuis la chute du régime soviétique, la Moldavie a toutefois cherché à se rapprocher de l’Union européenne et à se libérer de l’influence russe, notamment par le biais de l’l’Union européenne (U.E). De son côté, la Roumanie a rejoint l’U.E en 2007 et a pris une position ferme en faveur de l’intégration européenne de sa petite voisine, sans que la situation ne semble progresser davantage. On sait la présidente Sandu très européanisante, positionnement encore accru avec l’invasion à grande échelle de l’Ukraine le 22 février dernier. Beaucoup à Chisinau craignent en effet d’être la prochaine proie de l’agression russe, ce qui s’est vu par les nombreux appels de la présidente, qui exprime régulièrement sa crainte d’une déstabilisation en provenance du Kremlin. L’union avec la Roumanie permettrait ainsi de court-circuiter les circuits traditionnels, dans ce pays où près du quart de la population possède déjà un passeport roumain.
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Cependant, l’unification des deux pays est un sujet complexe qui soulève de nombreuses questions et préoccupations. Aux questions de la souveraineté de la Moldavie et de la volonté de ses citoyens se superposent les problèmes économiques et sociaux que la Moldavie doit résoudre avant de pouvoir envisager une quelconque union. Enfin, il serait étonnant d’obtenir pour ce faire une position accommodante du Kremlin, qui considère la Moldavie comme faisant partie de sa sphère d’influence, et ce, d’autant plus du fait de la présence d’une minorité russophone en Transnistrie, de facto indépendante.
Mais les équilibres bougent beaucoup depuis un an, et ce qui semblait ne jamais pouvoir arriver il y a peu est désormais perçu comme une possibilité par certains.
Si le chemin vers une telle union est long et semé d’embuches, la première pierre vient peut-être d’en être posée.
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