Chez Laurent Ruquier: le casse-tête chinois de Benoît Hamon


Une anecdote pour débuter : Alexandra Laignel-Lavastine a voulu savoir le samedi matin 14 novembre comment les jeunes de son quartier, dans le 93, avaient vécu cette nuit de carnage. Se pouvait-il que les images des tueries qui passaient en boucle dans les cafés les laissent indifférents ? Elle s’attendait à un vague : « Là quand même ils abusent ! »
Pour en savoir plus, elle a fait ce que tout journaliste consciencieux devrait faire : s’immerger dans la population. Première surprise : rien ne laisse deviner qu’une tragédie vient de frapper le pays. Quand elle évoque ce qui vient de se passer, on la regarde comme une extra-terrestre quand ce n’est pas avec hostilité. « Tu crois quand même pas ce qu’ils nous racontent ? », dit l’un, cependant qu’un autre habitué du café renchérit : « Réfléchis trois secondes : un musulman, ça tue pas. Tuer, chez nous, c’est haram. C’est marqué dans le Coran. » Alexandra joue alors la carte bobo nunuche bien-pensante – rôle qu’affectionnent les invités d’« On n’est pas couché ». Elle dit : « Certes, l’islam est une religion de tolérance et de paix, mais il peut y avoir de mauvais musulmans, des fanatiques qui le déforment et s’en servent à des fins politiques. » Elle s’entend répondre : « C’est quoi ces conneries ? On sait tous que les images et les communiqués, c’est du bidon. » Et là, cette chère Alexandra reçoit le coup de massue : « La vérité de toute façon, on la connaît : c’est un complot contre nous et contre l’islam, comme avec Merah et le reste. Le but, c’est de salir les musulmans. On ne peut plus nous enfumer. » Tout le monde approuve. Et quand Alexandra cherche à en savoir plus sur ce fameux complot, elle devine ce qui va suivre : « Les criminels qu’il faut détruire à la kalach, c’est les juifs ! Mais ça tu ne pourras jamais l’écrire dans ton journal vu qu’ils contrôlent tout. » Avec ces trois mots magiques – Juif, sioniste, complot – la tension monte. Le reste, chacun peut le deviner.

Évidemment, comme Yann Moix, on peut conseiller à chaque Français de souche d’envoyer une lettre d’amitié à ses amis musulmans ou se réjouir comme Ruquier qu’ on dessine des cœurs sur les mosquées. Voire, comme la majorité des invités de l’émission de Taddeï, « Ce soir ou jamais », s’autoflageller et battre sa coulpe en décrétant que les arabo-musulmans sont traités comme des sous-hommes en France. Et que, oui, il faut rester unis et surtout ne pas relâcher sa vigilance face à un fascisme et à une xénophobie qui ont le vent en poupe. « Qu’est-ce qui nous unit ? » se demande avec une une componction digne d’un cardinal du Vatican le philosophe Roger-Pol Droit qui officie au Monde et qui distille avec gourmandise des banalités qui ne fâcheront jamais personne. La légèreté, la fête, la baise, le vin… oui, ne cédons sur rien. L’exception française est là et, paradoxalement, elle n’a rien d’exceptionnel. Comme le dit l’invité d’honneur, Benoît Hamon, « ça ne suffira peut-être pas à vaincre nos ennemis ! »

Mais oui, la France est en guerre. Mais de quelle guerre s’agit-il et contre qui et avec quels alliés la menons-nous ? Et là ce pauvre Benoît Hamon ne cache pas son embarras. Quand Léa Salamé lui demande pourquoi nous sommes, nous Français, si proches de l’Arabie Saoudite et du Qatar – qui financent l’État islamique que nous combattons – et pourquoi nous leur vendons des armes, il lâche le morceau : parce que nous sommes pauvres et qu’eux sont riches. Et la Turquie ? Ce double, voire ce triple jeu de la Turquie ? Et Poutine, ami ou ennemi ? Et Bachar Al-Assad qui, lui au moins, est cohérent comme on peut le voir dans l’entretien qu’il a donné à Valeurs Actuelles… sans oublier les rebelles syriens que nous avons armés, maintenant que le vent a tourné, on en fait quoi ? Un vrai supplice chinois pour ce brave Benoît Hamon qui tente tant bien que mal de défendre sa ville de Trappes qui fournit chaque mois un lot appréciable de combattants à l’Etat islamique.

Tout cela n’est rien, bien sûr, à côté de ce que subit chaque dimanche le dessinateur belge un rien démago, Philippe Geluck, harcelé par sa femme qui veut jouer au Scrabble avec lui. Il cède comme il finira par céder aux requêtes des bons musulmans. Pas comme Oskar Freysinger, censuré par le quotidien suisse Le Temps pour avoir affirmé notamment que « le crépuscule des dieux approche et nous ne voulons rien voir venir. C’est le déni qui nous tuera. Nous nous sommes évertués à nourrir sur notre sein le serpent qui nous mordra et nous le considérons toujours comme un doux chaton ronronnant ». Et pourquoi Laurent Ruquier ne l’inviterait-il pas… une fois, une fois seulement , pour qu’on entende un autre son de cloche ?



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