Le « mois décolonial » aura lieu à Grenoble courant juin. L’événement est co-organisé par des associations locales. Le logo de la ville de Grenoble est présent sur l’affiche de l’événement, mais celle-ci a demandé qu’il en soit retiré.
Du 10 au 30 juin 2021, un événement majeur va se dérouler dans la ville d’Éric Piolle. Le “Mois décolonial”, soutenu par des associations locales et la ville de Grenoble, Sciences Po et l’Université Grenoble Alpes, recevra des invités prestigieux, entre autres : Saïd Bouamama, cofondateur du Mouvement des Indigènes de la République (précurseur du PIR), co-auteur d’un livre intitulé Nique la France – Devoir d’insolence ; Taha Bouhafs, journaliste / activiste très apprécié de Mediapart, d’Éric Coquerel ou de Danièle Obono, qui a qualifié d’“Arabe de service” la syndicaliste de police Linda Kebbab et qui soutient Assa Traoré ; Rokhaya Diallo, militante antiraciste, féministe, pour les camps décoloniaux et les réunions non-mixtes mais contre l’utilisation d’anciennes affiches dégradantes pour les Noirs (type publicité Banania), sauf quand c’est elle qui les utilise (contre Rachel Khan qui critique, justement, la pensée décoloniale).
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Les thèses décolonialistes en vogue à la fac
Que ce “mois décolonial” soit soutenu par l’Université de Grenoble et par Sciences Po Grenoble souligne l’avancée des thèses décolonialistes dans ces lieux qui tentent péniblement de donner aux théories les plus fumeuses sur le décolonialisme, mais aussi sur le féminisme, le racisme ou la théorie du genre, l’aspect d’un travail honorable, au lieu de transmettre de véritables savoirs. Le vernis de sérieux qui recouvre ces paresseuses théories pseudo-révolutionnaires est assez mince. C’est que le concept principal est d’une grande simplicité : les hommes blancs occidentaux, après avoir dépouillé leurs anciennes colonies, ruiné la biodiversité, réduit à moins que rien les femmes, continueraient d’appliquer aujourd’hui les méthodes racistes, sexistes et colonialistes d’antan pour dominer les femmes, la nature, les descendants des anciennes colonies ou les actuels migrants venus s’installer en France.
“L’intersectionnalité” des causes permet d’appeler à la rescousse une multitude de “victimes” soi-disant ostracisées à cause de leur sexe, de la couleur de leur peau, de leur origine ethnique, de leur religion, voire de leur surpoids, de leur accent ou de leur handicap, et de cibler un seul adversaire. Dans un mélange des genres qui masque difficilement le vide des idées, on voit ainsi se tenir des colloques décolonialistes avec un peu d’écologie ou de féminisme, des réunions féministes avec un zeste d’antiracisme ou d’écologie, des symposiums écologistes avec une pincée de féminisme ou de combat contre l’islamophobie, etc. Nombre de sociologues de troisième zone ou de Paris 8 participent à ces colloques. Très régulièrement, des représentants de LFI ou d’EELV traînent dans les parages de ces réunions.
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Les ambassadeurs de ces alliances douteuses ont décidé de faire gober les thèses les plus bêtes et, pour ce faire, utilisent tous les artifices. Par exemple, ils écrivent tous en… écriture inclusive, laquelle, censée féminiser la langue, fonctionne ici comme un signe de reconnaissance, ou le code d’entrée du digicode de l’immeuble des crétineries à la mode. Françoise Vergès, championne du monde des décolonisations à tout-va, fait en ce moment des prouesses dans ce domaine : « Alors pourquoi les esclaves étaient-iels toustes noir.e.s? », twitte-t-elle le 15 mai. Puis, le 25 mai : « Éboueurs, femmes de ménage, balayeurs : celleux qui nettoient le monde, sans qui rien ne fonctionnerait, mais qui sont sous payé.e.s, exploité.e.s se révoltent !!! » Plus inclusif, tu meurs !
Monde ancien contre monde nouveau
Le projet du « mois décolonial » grenoblois est présenté sur le site de l’association Contre-Courant (association étudiante de Sciences Politiques). Il y est question d’un monde ancien (celui des privilégiés, des dominants, des Blancs…) et d’un monde nouveau en gestation (celui d’après la libération de tous les dominés, en particulier les “racisés”). Les promoteurs de l’événement annoncent qu’ils s’attacheront « à déconstruire l’imaginaire post-colonial » (sic). Les thèmes proposés donnent une idée du travail de déconstruction à la pelleteuse envisagé : Décolonisons les arts (je renvoie à mon papier sur David Bobée), Décolonisons les savoirs, Écologie décoloniale, Féminisme, Racisme systémique, Violences policières, etc. Faisant cacophoniquement allusion aux Printemps arabes, à Black Lives Matter ou à Fridays For Future, il est écrit : « Partout dans le monde, les peuples expriment leur désir d’émancipation, de liberté, de renouveau et d’égalité. Partout, cette énergie stimulante et cette dynamique salutaire sont confrontées aux postures défensives d’une minorité bien assise, arc-boutée sur ses privilèges hérités d’un autre âge. »
Un militantisme politique
Il est évident que le déconstructionnisme tous azimuts, l’antiracisme à la manière de Thuram et Diallo, le décolonialisme et l’islamo-gauchisme marchent main dans la main et ont envahi les amphithéâtres. Les “académo-militants” (Nathalie Heinich) (dé)forment les journalistes, les enseignants, les représentants politiques, les élites de demain. L’Observatoire du décolonialisme et des idéologies identitaires note que les termes de décolonialisme, genre, islamophobie, intersectionnalité, etc., sont présents dans une part de plus en plus importante des thèses et des colloques universitaires (50% du corpus !). Aucun savoir n’est transmis dans ces derniers, aucune neutralité axiologique (Max Weber) ne préside à l’élaboration de ces thèses, il n’est question que de militantisme politique et de transformation révolutionnaire du monde. Il suffit de jeter un œil sur les différents “travaux” sur le genre, le racisme ou le décolonialisme d’une université comme Paris 8 pour voir très exactement ce qu’entend par “contributions académiques” le sociologue Éric Fassin.
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Au milieu de ce marasme, une petite éclaircie : sur le site appelant à contribution pour financer ce “mois décolonial”, à l’heure où nous écrivons ces lignes, seuls 14 donateurs ont réuni en quinze jours la somme de… 225 euros. Les Français ne sont pas tous devenus fous. Il est probable que nombre d’étudiants de Grenoble éviteront comme la peste ce “mois décolonial”. C’est la raison pour laquelle leurs aînés ne doivent pas baisser les bras, doivent montrer l’exemple et rester à leurs côtés pour combattre ces idéologies. « Le combat contre l’obscurantisme implique une résistance permanente au chant des sirènes du grégarisme, qui paralyse la pensée et remplace l’esprit critique par le ressassement des dogmes en cours. […] on doit faire preuve d’un certain courage pour refuser publiquement cette médiocrité habillée de paillettes », écrit Pierre-André Taguieff dans son excellent livre L’imposture décoloniale. De son côté, notre ami québécois Mathieu Bock-Côté en est convaincu : « La France résiste ! » Ne le décevons pas.
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