François Hollande avait promis plus d’éthique dans les nominations. Raté, ce sont les proches de la gauche qui ont été promus. Nicolas Sarkozy voulait une « République irréprochable ». Lors de sa campagne de 2007, il avait promis « Le Président, c’est l’homme de la Nation, ce n’est l’homme d’un parti ou d’un clan ». Avec un objectif : « Je veux que les nominations soient irréprochables ». Plus tard, on a eu l’Epad, Boris Boillon et son slip de bain ambassadeur en Tunisie, les parquets et les préfectures verrouillées par des proches… Bref, en cinq ans, Sarkozy a placé ou essayé de placer ses fidèles un peu partout quel que soit leur degré de compétence ou de légitimité.
Certes, l’ex-président a fait un effort en nommant un président de gauche à la tête de la Cour des Comptes, en la personne de Didier Migaud. Il a demandé à sa majorité de laisser au PS, alors dans l’opposition, la présidence de la Commission des finances à l’Assemblée. Il a nommé des ministres issus de la gauche dans son gouvernement, dont Jean-Pierre Jouyet (affaires européennes), un intime de Hollande. Il a placé Jack Lang et Michel Rocard dans diverses commissions de réflexion. Le risque : faire grincer des dents dans son propre camp. On se souvient de Devedjian réclamant « l’ouverture, jusqu’aux sarkozystes ! ».
On croyait que Hollande, le « président normal » allait rompre avec le népotisme. Il critiquait en février dernier dans Acteurs Publics, les « nominations politiques, surtout au ministère de l’Intérieur et à la Chancellerie ». « Un retour à l’impartialité de l’État s’impose », clamait-il. Un de ses premiers gestes, avant même les législatives, fut de remplacer les trois piliers de la police sarkozyste. Michel Gaudin, préfet de Police de Paris, supplanté par Bernard Boucault, proche de Ayrault et ex-directeur de cabinet de Daniel Vaillant. On fait mieux comme fonctionnaire non politisé. Les autres remplaçants sont moins marqués. Patrick Calvar, ex de la DGSE, a succédé à Bernard Squarcini au renseignement intérieur et Claude Baland a pris la place de Frédéric Péchenard, directeur général de la police nationale.
Mais ce n’était qu’un début. Trois mois à peine après l’alternance, une purge des préfets et des magistrats sarkozystes a eu lieu. Philippe Courroye, procureur de Nanterre, réputé proche de l’Elysée, a été exilé contre son gré avocat général à la Cour d’appel de Paris, une mutation qu’il conteste en justice. Certes, Courroye n’avait pas vraiment l’image d’un magistrat indépendant mais le gouvernement aurait pu mettre les formes en évitant de faire passer sa mutation comme une chasse aux sorcières.
Le comble est que son remplaçant pourrait être le procureur de Nîmes Robert Gelli. Gelli est l’ex-conseiller justice de Jospin, il est surtout l’actuel président de la Conférence nationale des procureurs de la République. La CNPR avait lancé en décembre dernier une pétition inédite signée par presque tous les procureurs de France critiquant la politique pénale de l’ex-majorité et réclamant plus d’indépendance. Un procureur de gauche et anti-sarkozyste évince un procureur de droite et sarkozyste, joli coup.
L’annonce officielle du débarquement de Courroye s’est faite dans le Journal Officiel du 3 août. Or dans le même JO, figurait le remplacement de deux préfets symboles du sarkozysme, Joël Bouchité et Eric Le Douaron. Preuve que la gauche ne prend vraiment pas de gants. Joël Bouchité, ex-conseiller sécurité de Sarkozy, a été remplacé à la préfecture de l’Orne, moins d’un an près sa nomination, par Jean-Christophe Moreau, ex du cabinet de Chevènement, jusque-là directeur général de l’Assemblée des départements de France… présidée par la gauche. Eric Le Douaron était jusque là préfet de l’Isère et se retrouve lui aussi sans poste. Le Douaron avait été installé par Sarkozy en juillet 2010 à l’occasion du fameux discours de Grenoble. Un effort a néanmoins été fait: Le Douaron a été remplacé par Richard Samuel, préfet proche de la droite, qui a notamment dirigé le cabinet de François Baroin.
Autre cas : celui de Patrick Stéfanini, débarqué de la préfecture de la Région Aquitaine. Nommé en mai 2011, Stéfanini fut directeur de cabinet de Juppé au RPR puis condamné dans l’affaire des emplois fictifs à dix mois de prison avec sursis. Il a été remplacé par Michel Delpuech, ex-directeur de cabinet de MAM à l’Intérieur mais surtout issu de la promotion Voltaire (1980) de l’ENA… comme François Hollande.
D’autres remplacements ont eu lieu dans nombre de ministères, notamment à Bercy. La compétence ou la loyauté des virés étaient-elle en cause ? Peut-être. Mais s’il s’agit de trouver des préfets « neutres », des magistrats « indépendants », pourquoi retrouve-t-on autant proches de la gauche parmi les promus ?
En fait, Hollande agit comme Sarkozy en cherchant à verrouiller le pouvoir par le jeu des nominations. Son objectif est purement partisan. Il veut montrer qui tient les rênes du pouvoir. Pratiquer l’ouverture comme son prédécesseur peut faire gagner des points de probité mais fait perdre à coups sûrs des points d’autorité. Il a peut-être nommé Roselyne Bachelot au sein de la Commission pour la moralisation de la vie politique mais ce n’est qu’un alibi sans conséquences.
Car Hollande a aussi son clan. Sarkozy avait le Fouquet’s, l’actuel chef de l’Etat a la promotion Voltaire. Son secrétaire général Pierre-Réné Lemas, sa directrice de cabinet Sylvie Hubac, son ministre de l’Emploi Michel Sapin, en sont issus. Sans oublier son ami Jean-Pierre Jouyet, nommé à la tête de la Caisse des dépôts malgré sa trahison sarkozyste. Cette promotion vaut aussi au Président « normal » des soutiens un peu plus encombrants. Comme Henri de Castries, PDG d’Axa, qui lui avait fait un don de 7500 euros pour la primaire socialiste. Un patron du CAC 40 qui aide « l’ennemi de la finance », cocasse.
Évidemment, Hollande et Sarkozy ne sont pas les premiers chefs de l’Etat à placer leurs proches aux postes clés. Mais tous deux sont arrivés aux commandes armés de promesses de probité et d’éthique. Sarkozy voulait rompre avec les années Chirac et ses emplois fictifs. Hollande voulait rompre avec l’Epad et les chèques de Bettencourt. Les deux ont fait tout le contraire une fois arrivés au pouvoir. Voilà enfin une tradition française qui ne risque pas de se perdre…
*Photo : TF1
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