L’attaque islamiste de Mohammed Mogouchkov, vendredi, qui a coûté la vie à un professeur de lettres, Dominique Bernard, au lycée Gambetta-Carnot d’Arras, a provoqué stupeur et effroi, trois ans après l’assassinat de Samuel Paty à Conflans-Sainte-Honorine. À l’Éducation nationale, dans les collèges et les lycées, les cours sont annulés ce matin jusqu’à 10 heures, et une minute de silence est prévue à 14 heures.
Face au séparatisme, nos profs sont en première ligne. La nation française ne se décharge-t-elle pas un peu trop de ses responsabilités sur leurs épaules?
Dans quelques heures, partout en France, dans les établissements scolaires, enseignants et élèves observeront une minute de silence et rendront hommage aux deux professeurs assassinés, sacrifiés sur l’autel de l’obscurantisme djihadiste, Samuel Paty et Dominique Bernard.
Combien de leurs collègues entreront-ils alors dans leur classe les entrailles vrillées par la peur ?
Combien seront-ils à se demander comment s’y prendre, comment dire la réalité des drames sans heurter, blesser ?
Une France minée par le communautarisme musulman
Comment réagir si, ne serait-ce qu’un seul de leurs élèves venait à se dresser devant eux pour contester, refuser l’hommage et lancer les formules prêtes à cracher qu’on lui aura fourrées dans la tête et dans la bouche en guise de petit déjeuner ?
A lire aussi, Philippe Bilger: Avons-nous le droit d’être encore légers?
Que feront les autres élèves, ceux qui n’en sont pas ? Et qui peut dire si la violence extrême, celle qui tue, celle qui égorge, ne frappera pas de nouveau? Fallait-il donc envoyer une fois encore les enseignants, les personnels éducatifs en première ligne? Fallait-il donc que ce soit à eux de dire l’horreur, de dénoncer l’abjection, à eux de se faire croisés, de se lever contre la barbarie qui monte? Fallait-il, en focalisant l’hommage sur ce lieu privilégié d’unité républicaine, de cohésion citoyenne qu’est l’école, dessiner une cible grossière dans le dos de ses serviteurs? Eux qui ne sont pas mieux armés pour cela que l’agneau ne l’est pour affronter le loup.
Un désastre collectif
Il me semble qu’il aurait été plus profitable, plus noble, plus courageux et sans doute plus profitable de dé-sanctuariser l’hommage hors de l’école, de décréter qu’il devrait être l’affaire de tous et appeler l’ensemble des citoyens à se réunir partout en France, dans les villes et les villages, à telle heure de la fin de la journée.
A lire aussi, Céline Pina: Dominique Bernard n’aurait pas dû mourir
Cela, évidemment, sous la présidence et la bannière des politiques, de tous les politiques, à commencer par ceux qui, toute honte bue, s’exonèrent de toute culpabilité en parlant d’erreur collective face au désastre qu’ils ont fabriqué.
Le président de la République invitait à l’union de la nation lors de sa dernière allocution. L’occasion de ne pas s’en tenir qu’au vœu pieux était toute trouvée avec ce jour d’hommage. Au lieu de cela, on commet la folie de tendre aux plus jeunes d’entre nous le piège de devoir se situer, de devoir surtout, se compter. Chaque classe, chaque école, chaque collège, chaque lycée de France connaîtra au soir de l’hommage l’indice de fracture avec lequel ils devront vivre, dont il leur faudra s’accommoder le reste de l’année scolaire. Et bien au-delà… Tout le contraire de l’idéal républicain de l’école pour tous. Au secours Ferry, au secours Peguy !
Causeur ne vit que par ses lecteurs, c’est la seule garantie de son indépendance.
Pour nous soutenir, achetez Causeur en kiosque ou abonnez-vous !