Les vrais musulmans républicains ne sont pas ceux qui prétendent que l’islam serait compatible avec la République, mais ceux qui ont l’honnêteté d’admettre qu’il ne l’est pas, et le courage d’œuvrer à ce qu’il le devienne. Ces derniers jours viennent d’en apporter une nouvelle illustration.
Mohamed Louizi et Amine Elbahi sont tous deux Français, et tous deux musulmans.
Tous deux sont menacés et harcelés par des islamistes, le premier pour son action de longue date contre les Frères Musulmans et leurs réseaux, le second pour avoir contribué à dénoncer l’emprise islamiste sur Roubaix dans le reportage de « Zone Interdite » diffusé le 23 janvier. Tous deux ont maintenant choisi de s’engager dans le débat électoral, Mohamed Louizi en soutenant publiquement Eric Zemmour, Amine Elbahi en choisissant Valérie Pécresse, obtenant l’investiture de LR pour les prochaines législatives. On aimerait s’arrêter là et se réjouir : aucun parti n’a le monopole du cœur, et aucun parti n’a le monopole des cœurs valeureux. Mais les choses, hélas, sont un peu plus compliquées.
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Histoires de compatibilité
Laissons de côté le passé, même récent, d’Amine Elbahi. Il aura, n’en doutons pas, l’occasion de s’en expliquer dans les prochaines semaines. Ses critiques contre Lydia Guirous lorsqu’en 2014 elle fut l’une des premières – voire la première – à oser dénoncer l’islamisme qui gangrenait Roubaix. Son action pour le rapatriement de la jihadiste Mélina Boughedir. Son soutien à la liste « Roubaix en commun » en 2020, etc. Tout le monde peut faire des erreurs, encore faut-il les reconnaître. Mais ce sont surtout ses toutes récentes déclarations qui interrogent, comme lorsqu’il évoquait pour le reportage de M6 « un certain islamisme », étonnante expression. Et plus encore celle-ci, à la matinale de Jean-Rémi Baudot dimanche 20 février : « l’islam est parfaitement compatible avec la République. »
Voilà une affirmation pour le moins discutable ! On peut bien sûr débattre de ce que recouvre précisément le terme d’islam, mais convenons que par défaut, dans le contexte français, il s’agit de l’islam sunnite des 4 madhhabs orthodoxes, dont se revendiquent la quasi-totalité des lieux de culte musulmans présents sur notre territoire. Or, pour ne mentionner que ce point parmi beaucoup d’autres, ainsi que le rappelait en 2016 l’actuel Grand Imam d’Al-Azhar, ces quatre courants sont unanimes pour demander la mise à mort des apostats, s’opposant ainsi de la manière la plus radicale possible à la liberté de conscience, qui est pourtant l’un des principes les plus fondamentaux de la République française. Comment les deux pourraient-ils être compatibles ?
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Impressionnant contraste avec le commentaire fait le même jour par Mohamed Louizi : « L’islam tel que nous le connaissons, tel qu’il a été construit depuis le 8 juin 632, n’est compatible ni avec la démocratie, ni avec la République » ajoutant – et ce n’est pas une vantardise de sa part – qu’il travaille depuis des années à proposer une réforme de l’islam qui puisse justement le rendre compatible avec la République, et plus largement la démocratie et les bases les plus élémentaires d’une morale digne de ce nom.
Amine Elbahi appartient à la confrérie des croyants de la « tenaille identitaire »
Nous avons donc d’un côté, l’affirmation qu’il n’y aurait avec l’islam et dans l’islam aucun problème de fond, et de l’autre la conscience de ce problème et la volonté de le résoudre.
Prétendre que « l’islam est parfaitement compatible avec la République » est un déni de réalité dangereux : il fragilise l’action des réformateurs de l’islam en sous-entendant que ce travail de réforme serait finalement inutile ; il encourage les musulmans à se complaire dans la situation actuelle et, puisqu’il n’y aurait pas de problème avec l’islam, à en délégitimer toute critique et à se victimiser face à ces critiques ; il favorise la diffusion du poison islamiste parmi les musulmans en prétendant que l’entièreté de l’islam serait légitime, y compris donc ce qu’il y a de plus islamiste dans l’islam ; et enfin il incite les non-musulmans à baisser la garde face à l’islamisation, voire tente de les pousser moralement et politiquement à l’accepter sans réagir. Ainsi lorsqu’Amine Elbahi prétend que « les islamistes et l’extrême-droite sont dans le même camp », rhétorique bien connue et aussi fallacieuse que de renvoyer dos-à-dos Hitler et Churchill sous prétexte qu’ils sont tous les deux dans une logique d’affrontement, ou qu’ils ont la même vision de ce qu’est réellement le nazisme – « oubliant » opportunément que l’un veut l’imposer au monde quand l’autre le combat.
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Il faut se souvenir de l’admirable « Lettre ouverte au monde musulman » d’Abdennour Bidar, qui écrivait en 2014 : « tu (il s’adresse ici au monde musulman) te réfugies dans le réflexe de l’autodéfense sans assumer aussi et surtout la responsabilité de l’autocritique. Tu te contentes de t’indigner alors que ce moment aurait été une occasion historique de te remettre en question ! (….) Les racines de ce mal qui te vole aujourd’hui ton visage sont en toi-même, le monstre est sorti de ton propre ventre – et il en surgira autant d’autres monstres pires encore que celui-ci que tu tarderas à admettre ta maladie, pour attaquer enfin cette racine du mal ! »
Mohamed Louizi offre 122 propositions
En effet, l’islam ne cessera pas d’engendrer des monstres tant que les musulmans ne s’attaqueront pas à la racine du mal, et si le rôle de l’Etat n’est évidemment pas de faire ce travail à leur place, il est néanmoins d’en affirmer l’absolue nécessité, de l’imposer aux musulmans de France dans leur ensemble avec toute la force de la loi, et de soutenir sans réserve ceux qui s’y attellent honnêtement, ici ou ailleurs – je pense à Yadh Ben Achour, à Razika Adnani, et d’autres.
Mohamed Louizi a publié dans le cadre de la campagne présidentielle 122 propositions allant dans ce sens : si l’on veut trouver un espoir pour que l’islam puisse un jour devenir autre chose que l’islamisme, et qu’il mérite ce jour-là d’avoir une place dans la République, c’est assurément dans cette direction qu’il faut chercher.
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