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Orsay: « Le Modèle noir » de révisionnisme politiquement correct

Jean-Paul Brighelli s'amuse de la niaiserie du Musée d'Orsay


Orsay: « Le Modèle noir » de révisionnisme politiquement correct
"Portrait de Madeleine" (autrefois nommé "Portrait d'une négresse"), Marie-Guillemine Benoist, 1800. ©RMN-Grand Palais (Musée du Louvre)

L’exposition le Modèle noir proposée au Musée d’Orsay est passionnante à deux titres : on y voit des œuvres rares, ou inconnues, très souvent remarquables ; et quand on lit les notices, on se trouve en prise directe avec ce que le politiquement correct peut produire de plus niais, ou de plus orwellien, selon la lecture que vous en faites.

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Prenez par exemple le célèbre Portrait d’une négresse, de Marie-Guillemine Benoist, présenté en 1800. Le catalogue et la notice in situ l’ont rebaptisé « Portrait de Madeleine » — puisqu’il paraît qu’ainsi s’appelait le modèle. « Nous lui avons redonné un nom », clament les organisateurs. Dommage, on aurait aimé apprendre ce qu’un tel portrait doit à la Fornarina peinte par Raphaël. Et surtout, on contourne ainsi le mot « négresse », qui est le terme ordinaire jusqu’à la Seconde guerre mondiale, mais qui sonne mal aux oreilles sensibles de nos contemporains, apparemment. « Portrait d’une négresse » réapparaît toutefois dans la notice, après un autre titre intermédiaire, « Portrait d’une femme noire » — comme si l’histoire de l’art était la ré-acquisition, à travers des identités successives, d’une appellation enfin conforme au sentiment moderne.

Re-titrages…

Et ce révisionnisme de re-titrage est systématique. Le Nègre Scipion, de Cézanne, devient le Noir Scipion — étant entendu que « noir », évolution phonétique du latin niger, est moins chargé de sous-entendus colonialistes que « nègre ». Probable que la prochaine édition du Nigger of the Narcissus de Conrad, au lieu de s’intituler comme d’habitude le Nègre du Narcisse, deviendra l’Africain du Narcisse — et pourquoi pas, sur le modèle anglo-saxon, le Coloré du Narcisse ? Parce qu’il n’y a aucune raison que la police de la pensée anti-coloniale s’arrête aux titres. Je suggère à Claude Ribbe, qui plaide pour une renominalisation des termes offensants, de se mettre tout de suite à la réécriture de Voltaire (quoi de plus insoutenable qu’une phrase comme « En approchant de la ville, ils rencontrèrent un nègre étendu par terre » — c’est dans Candide) et de Montesquieu, qui a beau plaider la fin de l’esclavage, n’importe, son racisme latent s’exprime sans doute dans la première phrase de son célèbre plaidoyer, « Si j’avais à soutenir le droit que nous avons eu de rendre les nègres esclaves…  Une mienne collègue…

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Normalien et agrégé de lettres, Jean-Paul Brighelli a parcouru l'essentiel du paysage éducatif français, du collège à l'université. Il anime le blog "Bonnet d'âne" hébergé par Causeur.

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