L’écrivain franco-algérien Boualem Sansal a été arrêté par le régime algérien. Depuis, il a disparu et on est sans nouvelle de lui. Or, la seule chose qui peut protéger un artiste pris pour cible par un régime où l’arbitraire le dispute à la tyrannie, c’est vous, c’est nous, c’est la mobilisation de nos gouvernants. C’est comme cela que le régime iranien a fini par libérer Ahou Daryaei, l’étudiante qui s’était mise en sous-vêtements en protestation contre la manière dont les agents de sécurité l’avait battue pour n’avoir pas porté le voile.
Boualem Sansal mérite la même mobilisation. Les deux partagent d’ailleurs le même combat.
Je connais bien Boualem, nous avons battus quelques estrades ensemble et c’est bien d’ailleurs la seule chose que Boualem a jamais dû battre, car ce qui est le plus agréable chez lui, c’est sa douceur. L’homme dans le privé est charmant, pétillant, facile d’accès, disponible, drôle. Se retrouver invité dans la même manifestation que lui est l’assurance que l’on va passer un bon moment en coulisse. Mais pas que.
Ne plus se boucher les oreilles
Parce que, quand Boualem est là, il se passe toujours quelque chose. Non que l’homme soit un bateleur qui vous manipule une salle en trotskyste accompli. Il se passe quelque chose, parce qu’arrive toujours, avec lui, ce moment de vérité dont la puissance est inversement proportionnelle à notre capacité à l’accueillir. Vous allez comprendre : je ne suis pas quelqu’un de lâche et je veille à ce que ma parole soit claire. Mais même moi j’ai du mal parfois à regarder en face les conséquences de ce que je vois, à aller jusqu’au bout de la logique qui est pourtant mise en œuvre sous mes yeux par les islamistes et leurs alliés. Pas Boualem. Et même moi j’ai parfois refusé de l’entendre. Comme un enfant qui se dit que s’il se bouche les oreilles, alors la prédiction n’arrivera pas, qui aimerait sauver le monde juste en mettant la tête dans le sable. On sait pourtant que cela ne marche pas. On essaie quand même.
Mais Boualem ne se paye pas de fiction et refuse de vivre entouré d’hommes aux paupières cousues. Les années noires de l’Algérie, il les a vécues. La violence de l’islamisme, sa folie totalitaire et meurtrière, il l’a regardée en face. Et il regarde toujours en face la compromission du régime algérien, ses liens de plus en plus troubles avec tout ce qui dans le monde fait de la violence et du massacre, la meilleure preuve de l’affirmation de soi politique. Il sait ce qu’est une dictature, il sait ce qu’est une théocratie, il sait comment font les islamistes pour faire régner un régime de terreur et sait que le prix du sang n’est jamais assez élevé pour eux. Il le sait alors il le dit. Il vous décrit le chemin. Ici comme là-bas. Et il vous annonce ce qui se passera, il vous raconte la prochaine étape. Et un jour elle arrive. Et je vous garantis que vous n’avez pas envie que votre pays suive ce chemin-là. Et vous n’avez pas non plus envie que l’on vous raconte cette histoire-là. Et pourtant vous en serez un jour le héros. Enfin plutôt la victime. Et si ce n’est pas vous, ce seront vos enfants.
Boualem Sansal est un homme qui savait dans sa chair que le 7-Octobre était possible et que ces horreurs se reproduiraient car elles font jouir ceux qui les commettent, ceux qui les soutiennent et ceux qui les applaudissent. Et ils sont nombreux. La bestialité et l’inhumanité ont été érigées en symbole de force et de puissance. Et ces crimes se renouvelleront car ils sont narcissiques. Le monde islamiste cultive le ressentiment et la victimisation car c’est dans un imaginaire de persécution que ce monde obscurantiste et patriarcal cultive et justifie la barbarie : vous êtes opprimé, cela vous dégage de tout rapport à l’humanité et le massacre devient la justice. C’est ce que Boualem Sansal ne cessait de rappeler. Et c’est ce que personne n’a envie d’entendre. Pourtant c’est ce que hurlent aujourd’hui dans les rues de Paris une jeunesse ivre de haine et qui croit pourtant incarner la vertu, s’autorisant à basculer dans la haine des Juifs au nom du malheur palestinien.
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Boualem ne cessait de répéter que nos lâchetés allaient susciter le déclenchement d’horreurs de plus en plus fortes. Et voilà que le 7-Octobre s’est produit en Israël. Il n’en était pas surpris. Lui savait cela non seulement possible mais désiré par une partie du monde musulman sous emprise islamiste. Ce qui s’est passé en ce jour noir n’était pas un dérapage. C’était inscrit dans l’idéologie des frères musulmans, dans la charte du Hamas, dans l’imaginaire de la rue arabe. Cela ne pose aucun problème à ceux qui l’ont conçu et exécuté là-bas, ni à ceux qui en défendent la logique ici, et dont certains sont mêmes députés chez nous.
Et c’est vrai que nous avons en Europe tous les ingrédients pour cultiver nous-mêmes nos prochains malheurs. Non seulement les islamistes sont puissants chez nous, mais nos gouvernements ne les combattent pas. Ils leur laissent même le soin de travailler à la radicalisation de la communauté musulmane. Ils ferment les yeux sur leur réseau de mosquées qui pourtant diffusent des valeurs incompatibles avec notre contrat social, ils leur laissent pratiquer l’entrisme dans les centres sociaux, les conseils municipaux, les associations, ils ne combattent pas les revendications de l’islam politique (car soyons sérieux il n’y a pas de « revendications religieuses » à l’école mais une offensive islamiste et on gagnerait à le dire), ils utilisent leur religion pour créer des conflits dans le sport, au travail, à l’école…. Et la gauche, particulièrement LFI, leur sert de cheval de Troie et de diffuseur idéologique.
Cessons de jouer avec le feu
Or nous jouons avec le feu car nous n’avons pas pris la mesure de ce que nous affrontons : le 7-Octobre n’est pas le traitement réservé aux juifs par les islamistes dans le cadre d’une querelle théologique et historique. C’est la manière dont on traite les Kouffars quand on est puissant. C’est ici que les islamistes rêvent de le reproduire. Et ils sont tellement persuadés de la bêtise, de l’aveuglement et de la faiblesse des occidentaux, qu’ils attendent juste que les conditions de la réalisation adviennent. Et notre désarmement moral est un véritable encouragement. Voilà ce que nous répétait Boualem. Voilà ce que personne n’a envie d’entendre.
Se retrouver avec Boualem est toujours un plaisir et un inconfort. Plaisir parce que l’homme est chaleureux et tendre, inconfort parce qu’il est inentamable et vous dis ce qu’il pense vrai et juste même si vous n’avez pas envie de l’entendre. Surtout si vous n’avez pas envie de l’entendre. Je ne suis pas lâche. Pourtant j’ai souvent bouché mes oreilles quand il disait certaines choses. Je me sentais tellement impuissante que je préférais encore l’aveuglement et l’illusion. Alors parfois on lui disait « tu ne crois pas que tu vas un peu loin dans les mots ». Il répondait « ils iront bien plus loin que moi, dans les actes ».
L’Algérie est un pays en train de basculer dans le ressentiment et la violence. Il n’y a rien à négocier avec elle, il est temps d’assumer le rapport de force. L’arrestation de Boualem Sansal est une provocation minable, celle d’un régime pourri jusqu’à la moelle qui croit montrer sa force en exhibant son arbitraire. Boualem est des nôtres. Même s’il n’avait pas la nationalité française, il incarnerait au plus haut niveau l’idéal de citoyenneté que nous portons. Il n’a pas que des papiers français, il incarne l’esprit de la France. Parce que c’est un homme libre, courageux, lucide, qui se bat pour la liberté, pour l’égalité et qui le fait en toute fraternité. C’est dans cette fraternité qu’il puise la force de tenir un discours digne, sans agressivité, sans haine et sans violence. Mais sans concession aussi. Et c’est au nom de la fraternité et en reconnaissance de son courage et de sa lucidité que nous devons nous tenir à ses côtés.
PS : pour l’aider, le lien d’une pétition appelant à sa libération.
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