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Sois belle et ne te justifie pas!

Le concours de beauté Miss France sera retransmis sur TF1 depuis Caen demain soir


Sois belle et ne te justifie pas!
La Normande Amandine Petit, Miss France 2021, 19 décembre 2021, le Puy du Fou © PIERRE VILLARD/SIPA Numéro de reportage : 00996681_000027

29 candidates participent, samedi soir, au Concours Miss France 2022, à Caen


Elles viennent de nos régions comme l’on dit aujourd’hui si pudiquement. Elles sont jeunes, accessoirement diplômées et majoritairement belles. Chaque année, elles ne sont pas attaquées sur le plan physique mais sur celui des valeurs. Comme si la beauté portait en elle le gêne de l’immoralité et de la discrimination. 

Moralisme rance

La France est devenue ce pays rance de moralistes venimeux qui projettent sur nos terroirs, à la fois un méchant mépris de classe et la volonté de rééduquer toute la société au pas militaire. Un regard plein de hargne qui passe à côté de l’essentiel, celui d’un folklore bon enfant, d’une borne temporelle à l’approche des fêtes de Noël, d’un ascenseur social pour certaines d’entre elles et d’un divertissement télévisé qui n’a rien de dégradant. Le concours de Miss France est solidement ancré dans notre culture populaire. Est-ce une raison pour vouloir l’abattre ? 

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Il est, peut-être, le dernier creuset d’une nation qui a perdu la raison et qui s’engouffre avec volupté dans tous les délires communautaires. Plus qu’une élection présidentielle, cet événement réunit, par miracle, un froid samedi de décembre, les familles dysfonctionnelles, les générations confondues et les classes sociales opposées. Il apaise les tensions et les haines recuites. Le candidat Z qui souhaite faire le pont entre les ronds-points et les immeubles haussmanniens ferait bien de jeter un œil sur son poste de télé. 

Creuset national

La jonction entre les gilets jaunes et les retraités aisés aura bien lieu ce soir, une fois encore. À Vierzon ou à Neuilly-sur-Seine, dans les HLM ou les appartements avec moulures au plafond, dans la ruralité profonde ou les cités bétonnées, on regarde les Miss avec plus de tendresse que d’ironie. Qui serions-nous pour les juger si sévèrement ? Les Français n’ont pas tous versé dans l’aigreur et les postures, les mots qui blessent et qui salissent. À trop vouloir dénoncer et analyser ce spectacle de fin d’année, les activistes réunis ont fini par oublier la justesse de leur cause. 

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Nos miss doivent s’excuser de tout, de porter le maillot de bain et d’afficher un sourire communicatif au micro de Jean-Pierre, de prononcer un message bienveillant et d’incarner cette vieille politesse aimable des rois. Est-ce un crime d’être amène et courtoise, charmante et à l’écoute des autres ? N’est-ce pas justement faire preuve d’une totale rupture avec une société qui ne reconnaît que la triche et l’outrance, le négligé et le faussement libéré ; qui, à vouloir paraître plus intelligente qu’elle n’est, se disqualifie par son insignifiance verbale et ses manières déplacées. Nos censeurs actuels revendiquent une émancipation déguisée pour mieux nous endoctriner. Alors, oui, nous sommes des ringards qui ne louperont sous aucun prétexte cette soirée. Car nous aimons nos Miss comme des cousines de province sans paternalisme, ni sous-entendus libidineux. Nous ne ricanons pas à leur passage. Nous les regardons comme des athlètes de haut niveau entrer dans un stade bondé. Être jugé sur son apparence et son éloquence mérite le respect et la fraternité. On tremble au moment des questions et on se dit que, dans cet exercice aussi périlleux, terriblement casse-gueule pour l’égo devant des millions de téléspectateurs, elles ont du courage et de la ressource, du talent et du cran. Je ne regrette qu’un seul point du règlement, l’obligation pour les prétendantes au titre d’avoir moins de 25 ans. 

Perplexité béate

Ma seule requête à Sylvie Tellier, leur patronne, serait d’aller au-delà de cet âge limite. Je rêve d’une élection ouverte aux femmes de plus de cinquante ans, non pas par démagogie ambiante ou par égalitarisme à la mode, seulement par goût esthétique. La jeunesse est un bien précieux et estimable certes, elle peut cependant manquer d’intensité et de trouble. Elle ne capture pas totalement l’essence d’une personne. 

Il faut du temps pour qu’un visage exprime sa vérité et son onde nostalgique, et déploie enfin son mystère et son émoi. Je pense ici aux actrices Elizabeth Bourgine, Fabienne Babe, Marianne Basler ou Natacha Lindinger. Seule la fêlure des années est en mesure de me déstabiliser profondément et de figer mon esprit. Assurément, une jeune beauté plastique sera agréable à regarder, sans parvenir à fissurer son image et à me plonger dans une perplexité béate.




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Journaliste et écrivain. À paraître : "Tendre est la province", Éditions Equateurs, 2024

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