C’est la thèse soutenue par l’universitaire Mireille Huchon. Tout ce que la Sorbonne compte de féministes lui tombe dessus.
Louise Labé, figure incontournable de la poésie de la Renaissance et de son « École lyonnaise », n’existe pas. Ou plutôt, elle ne serait qu’une médiocre courtisane ayant servi de prête-nom, ses œuvres ayant été en réalité écrites par une bande de poètes humanistes fantasmant sur les femmes écrivains de l’Antiquité, telles que Sappho, et décidés à tenter l’expérience littéraire du « je » au féminin. C’est du moins ce qu’essaie de démontrer Mireille Huchon, professeur de littérature à la Sorbonne, depuis une quinzaine d’années. La nouveauté ? Gallimard a décidé de consacrer cette thèse en lui confiant l’édition en Pléiade des œuvres de la poétesse. Pour ajouter au court volume de poésie qui constitue toute l’œuvre de Labé, le volume rassemble divers textes étayant la thèse du prête-nom. Or, d’autres spécialistes, en désaccord avec Huchon, s’insurgent qu’une telle édition de référence détruise Louise Labé tout en la consacrant. Ce qui aurait pu n’être qu’une controverse littéraire telle que les affectionnent les destructeurs d’idoles – comme le débat sur la paternité des œuvres de Shakespeare – a pris néanmoins un tour plus politique, puisqu’il s’agit au fond de discuter la possibilité qu’une femme ait écrit comme Louise Labé au XVIe siècle. Deux tendances féministes s’affrontent : d’un côté, une vision misérabiliste de l’histoire des femmes, qui déplore l’oppression millénaire dont elles auraient fait l’objet, notamment dans le domaine de l’éducation, et ne croit pas à la possibilité qu’une riche courtisane lyonnaise sache l’italien et le latin et connaisse Homère ; de l’autre côté, une tendance à la glorification de toute femme du passé ayant laissé une trace de ses accomplissements, particulièrement si, comme Labé, elle est censée avoir été un modèle de passion féminine assumant sa sexualité. En tout cas, lit-on chez certains, cette affaire montre la « fluidité du genre » à la Renaissance. On peut faire confiance aux wokes pour toujours retomber sur leurs pattes.