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Dur dur d’être ministre…


Dur dur d’être ministre…
La ministre de la Culture Rima Abdul-Malak lors de la cérémonie des Molières, Paris, 24 avril 2023 © ROMUALD MEIGNEUX/SIPA

Le long chemin de croix de Borne, Ndiaye, Abdul Malak…


Qui, depuis la mise en œuvre du 49.3 pour clore l’absence de débat à l’Assemblée nationale sur le projet de loi sur les retraites et la décision si contestée du Conseil constitutionnel, peut encore rêver d’être ministre ? C’est devenu une vie de chien et ce n’est pas seulement le bruit des casseroles qui le démontre. J’imagine ce que cela doit être de savoir, avec une absolue certitude, qu’on soit Première ministre, ministres de haute volée ou plus modestes, qu’on sera mal accueilli, qu’on sera sifflé, hué, contraint d’être protégé, et qu’au fond le citoyen sera conduit à juger le tempérament de chacun… L’esthétique du courage ou l’habileté de la fuite ? Qui préférera la première, qui s’abandonnera à la seconde ?

Des déplacements sous haute surveillance

Je n’évoque même pas le président de la République qui va continuer à aller à la rencontre des Français. J’ai relevé que mes inquiétudes sans doute étaient excessives au sujet de sa sécurité et de ses contacts parfois improvisés puisque heureusement des dispositifs serrés et secrets sont mis en place de sorte que les affrontements risqués avec Emmanuel Macron sont limités autant que possible. Au-delà de ces précautions nécessaires, je suis persuadé que le président n’est pas rétif à une forme de provocation intrépide manifestant qu’il n’a peur de rien ni de personne. C’est sa force et en même temps sa faiblesse. J’espère que pour les besoins de sa propre cause il cessera cette sorte de surenchère, d’abord parce qu’elle ne le rapproche pas de la majorité des citoyens et surtout elle démontre qu’il devrait revenir à une conception plus classique de sa présidence : non plus une agitation frénétique à l’extérieur mais une sérénité et une modestie à l’intérieur. Nul besoin d’aller sur un mode ostentatoire voir comment se portent ses concitoyens : la France n’est pas une réserve qu’on visite alors que chaque jour Emmanuel Macron ne peut ignorer, même dans le Palais de l’Elysée, ce que le pays endure, subit, désire ou réclame. Ses révoltes, ses indignations, ses fureurs ou ses espérances.

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La Première ministre impavide affronte, poursuit son chemin, qui n’est pas loin d’être de croix tant dehors on la malmène, tant dedans on la laisse dans l’incertitude ou, pire, on exige d’elle l’impossible. Une épée de Damoclès sur la tête, avec un président qui ne la fait pas bénéficier d’un soutien enthousiaste – au vrai, il ne l’a jamais exprimé -, elle tente tant bien que mal de s’adapter et cherche à nous persuader qu’elle est encore utile, efficace dans le peu d’action qui lui reste et que le président lui concède. Qu’elle prenne garde cependant à demeurer sur son terrain : rien de plus susceptible et jaloux de son autorité qu’un président contesté dans la France tout entière. Elisabeth Borne est forcément son bouc émissaire.

Rima Abdul Malak ne se laisse pas intimider, Pap Ndiaye ridiculisé

Quant aux ministres, une fois considérée cette donnée de nature que certains, rares, ont du talent, et que d’autres en sont dépourvus, comme ils ne peuvent pas éviter, à leur encontre, l’impact de la loi sur les retraites, ils font front chacun à leur manière. Et on retrouve l’alternative : l’esthétique du courage ou l’habileté de la fuite ? Je ne me moque d’aucun même si les atteintes agressives du peuple permettent à quelques-uns de sortir d’un anonymat que leur action ministérielle n’avait pas su entamer. Mais quelles différences entre eux !

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Organisée ou spontanée, j’ai par exemple apprécié, à la cérémonie de remise des Molière, la réaction de la ministre de la Culture, dont pourtant je ne raffolais pas, qui s’est levée et a protesté contre le simplisme militant de deux représentantes de la CGT. C’est une pratique paraît-il très rare mais elle ne m’a pas choqué dans la mesure où il n’est écrit nulle part que le pouvoir, après une gifle, doive systématiquement tendre l’autre joue. Cette ministre a clairement opté pour l’esthétique du courage. Mais que penser du ministre de l’Éducation nationale, qui au moins à deux reprises n’a pas fait preuve des mêmes dispositions mais plutôt de l’habileté de la fuite au propre et au figuré ?


Lors d’une intervention très engagée contre le président de la République du réalisateur Dominik Moll, Pap Ndiaye est resté tranquillement assis sur sa chaise, impassible, en attendant la fin. On savait qu’il ne brillait pas comme ministre – étrange propension du président à choisir les moins qualifiés pour des charges politiques – mais qui pouvait se douter d’une telle atonie qui aurait pu au moins cesser avec le départ du ministre à défaut d’une réplique ?


À la gare de Lyon, il a dû être exfiltré, des manifestants bruyants l’attendant sur le quai avec des casseroles. A l’évidence cette personnalité, à laquelle pourtant a été confiée sans doute la mission la plus fondamentale d’une République en crise : réformer l’école, n’a pas pour préoccupation centrale d’être admirée – comme en d’autres circonstances on peut, malgré une opposition politique, se laisser aller à le faire avec le président pour son aptitude à l’audace et à la résistance. Il a fui au figuré puis plus tard au propre. Je sais bien qu’il est toujours facile d’avoir un courage rétrospectif mais il me semble – cela m’obsède – qu’à défaut d’avoir naturellement des vertus, il faut au moins tenter de compenser les carences de la morale par les apparences de l’esthétique. Faute d’avoir du courage en vrai, se montrer, par volonté, par allure, intrépide si on n’a pas la chance de l’être instinctivement, profondément.

Les mois qui vont venir, les années jusqu’en 2027, vont continuer à être passionnantes sur le plan démocratique. Comment le président, les oppositions, la France, notre République vont-ils s’en tirer ? Mais ces quatre années vont surtout constituer un formidable banc d’essai pour les caractères et le rapport au réel. On verra, dans la classe politique, qui a de la tenue et qui n’en a pas, les ministres pour la façade et les hommes et les femmes pour de vrai. Qui mérite notre respect, qui n’en est pas digne. L’éthique publique n’aurait jamais dû être une exigence optionnelle.

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Magistrat honoraire, président de l'Institut de la parole, chroniqueur à CNews et à Sud Radio.

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