Malgré son mauvais bilan, l’ancienne ministre de François Hollande est d’une rare prétention en matière d’éducation et continue de donner des leçons. Préparant son retour en politique, elle regrette l’abandon de ses préconisations pour l’enseignement moral et civique de nos enfants.
« Il faudrait bien comprendre que le rôle de l’école est d’apprendre aux enfants ce qu’est le monde, et non pas leur inculquer l’art de vivre.[…] L’éducation sans enseignement est vide et dégénère donc aisément en une rhétorique émotionnelle et morale. […] Le fait significatif est que pour ne pas aller à l’encontre de certaines théories, bonnes ou mauvaises, on a résolument mis à l’écart toutes les règles du bon sens. » Hannah Arendt. La crise de l’éducation.
Bye Bye EMC que j’aimais
Suite à un tweet rageur de Najat Vallaud-Belkacem critiquant la politique de son successeur et dirigeant vers une tribune écrite par la chercheuse Keren Desmery (Libération du 7 février), il était opportun d’aller voir plus avant ce qu’est cet EMC (enseignement moral et civique) tant vanté par notre pas regrettée ex-ministre de l’Éducation nationale et dont elle craint la disparition :
« L’EMC prônait des pédagogies inédites permettant d’aborder des questions épineuses liées notamment aux faits religieux, au racisme, à l’antisémitisme, à l’homophobie, au handicap et de partager des valeurs telles que la tolérance, la fraternité, la liberté, etc. », écrit la chercheuse Keren Desmery dans sa tribune. Nos élèves ont de plus en plus de mal à lire et à écrire mais « dès l’âge de 6 ans, un travail concret quant à l’acquisition du vocabulaire, du lexique et de l’argumentation était proposé. » Il ne s’agit ici que du vocabulaire et du lexique des « valeurs » et de la « réflexion critique » qui permettront de valider « des jugements moraux ». C’est-à-dire du vocabulaire et du lexique nécessaires à la seule compréhension des catastrophiques ABCD de l’égalité, ou des mille associations invitées dans nos écoles à donner des cours de « citoyenneté » féministe, antiraciste ou LGBT compatibles, au lieu des cours de français, d’histoire, de langues ou de mathématiques.
Abasourdie d’apprendre que cet EMC que nous avions créé en 2015, après les attentats de Charlie, pour apprendre aux élèves à ne pas transformer leurs désaccords en détestations, fut lui aussi victime du «supressionnisme» érigé en seul projet éducatif… https://t.co/XhhbWtNqnN
— Najat Vallaud-Belkacem (@najatvb) February 7, 2020
Dans son dernier livre, René Chiche nous disait ce qu’est la catastrophe d’une « école tellement mise sens dessus dessous » qu’elle voyait certains de ses professeurs des écoles « s’improviser professeurs de philosophie et conduire dès la maternelle des “discussions à visée philosophique” » au lieu d’apprendre par cœur La Fontaine et Verlaine.
Les « épineuses » questions des préjugés ou de la grossophobie
Plus tard, nos élèves, toujours aussi pauvrement armés en lectures de livres mais audacieusement suréquipés en formules fleurant bon le Bien et la Tolérance, se voient proposer des EMC s’attardant sur « les préjugés et les stéréotypes, le racisme, les atteintes à la personne d’autrui, l’antisémitisme, le sexisme, la xénophobie, l’homophobie, le harcèlement, l’égalité, la solidarité individuelle et collective, le respect des autres dans leur diversité… » En attendant ceux sur l’écologie, le validisme et la grossophobie. D’ailleurs, de plus en plus, certains « professeurs » de français ou d’anglais font « travailler » leurs élèves en « analysant » des tracts militants plutôt que des livres anciens : la paresse se pare alors de toutes les vertus.
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Il devrait pourtant tomber sous le bon sens qu’un enfant de 6 ans n’est pas apte, intellectuellement, à disserter sur les « valeurs » ou à avoir une « discussion à visée philosophique ».
Il devrait pourtant tomber sous le bon sens que c’est l’apprentissage le plus sérieux de la lecture et de l’écriture, puis l’approche la plus sérieuse et la découverte des livres les plus éminents, puis la transmission la plus sérieuse de notre Histoire de France commune, qui conduisent tout naturellement nos enfants devenus adolescents puis adultes, sur la voie de la réflexion critique, capables non seulement de porter des jugements et de les argumenter, mais surtout de se tenir à distance des seules émotions médiatiques ou des réactions moutonnières et épidermiques.
Les camarades de Mila n’ont pas suivi les EMC: tout s’explique !
Keren Desmery et Najat Vallaud-Belkacem regrettent donc ces EMC qui, si j’ai bien lu certains commentaires, sont toujours très présents dans les programmes scolaires. Mais le plus intéressant n’est pas là. Le plus intéressant est que Keren Desmery croit dur comme fer que, si ces « dispositifs » n’auraient pas permis d’éviter l’affaire Mila, « ils en auraient sans doute atténué les retombées. » (sic). Veut-elle dire par là que les individus des réseaux dits sociaux se seraient comportés tout autrement si le programme vallaudbelkacemmien avait perduré ? Ne voit-elle pas que ce sont ces élèves-là justement, enfants de diverses origines auxquels manquent les acquis fondamentaux nécessaires à la compréhension du monde, incultes et illettrés moutons baignant depuis leur plus jeune âge dans la sauce idéologique de la « tolérance », du « respect » et des « valeurs » du troupeau progressiste, qui sont devenus les monstres des réseaux improprement appelés sociaux ?
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Leur vocabulaire s’est juste un peu étoffé de mots plus orduriers les uns que les autres et, pour les plus religieux d’entre eux, de quelques références coraniques très superficielles et souvent menaçantes. Voilà le résultat de tant d’années d’éducation à la citoyenneté, de lâcheté, et de manque d’instruction et de transmission des savoirs.
Le comble est que Madame Vallaud-Belkacem et ses émules continuent de s’en vanter et de donner des leçons.
La Crise de l'éducation: Extrait de «La Crise de la culture» by Hannah Arendt (2007-01-25)
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