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Mila, le retour d’une sacrée profane

La jeune femme est toujours la révélatrice de nos lâchetés collectives


Mila, le retour d’une sacrée profane
Mila © JOEL SAGET/SIPA

Mila “blasphème” encore : elle a “osé” s’acoquiner avec les féministes identitaires du collectif Némésis ! L’adolescente menacée par les islamistes réapparait dans les médias, et pense que la laïcité est morte à l’école. Alors que les autorités craignaient hier un attentat de Daech pendant PSG / Barça, un homme en djellaba tuait au couteau un Algérien à Bordeaux pour une histoire d’alcool.


Vous vous souvenez de Mila. Cette jeune fille a été le révélateur en 2020 non seulement de la lâcheté du gouvernement Macron, mais de l’absence d’humanité comme de l’absence de sens des responsabilités de beaucoup de politiques. Pour avoir usé de sa liberté d’expression et moqué le prophète principal de l’islam alors qu’elle recevait des insultes homophobes de la part d’un jeune musulman, cette adolescente de 16 ans avait subi un déferlement de haine sur les réseaux et reçu tellement de menaces que beaucoup ont pensé qu’elle ne survivrait pas au déchainement de violence islamiste dont elle faisait l’objet.

Critiquée pour le choix de son entourage actuel

Elle est à nouveau sous le feu des projecteurs pour avoir expliqué qu’on l’avait influencée, il y a quatre ans, pour la forcer à présenter ses excuses aux croyants sur le plateau de Quotidien. On peut comprendre ses conseillers de l’époque. Il s’agissait alors de sauver la jeune fille, les chances que les menaces de mort soient mises à exécution étaient élevées et Mila était encore influençable. Ce n’est pas ce qui est choquant dans cette histoire. En revanche, ce qui est inacceptable c’est la façon dont, à nouveau, certains politiques et journalistes font un procès à Mila car elle est proche notamment de l’association Némésis et des « milieux identitaires ». Outre que Mila est libre de faire ses choix, il se trouve que si la jeune fille est debout, digne et refuse de se soumettre, c’est à sa force intérieure qu’elle le doit, à son entourage familial et sans doute à son entourage militant – mais pas au soutien qu’aurait pourtant dû lui apporter le milieu politique et culturel. 

Mila aurait dû être le symbole de notre résistance face à la barbarie, nous aurions tous dû être un rempart pour elle. 

Cette affaire a été le symbole de notre lâcheté collective, de notre faiblesse et de nos reniements. Dans cette histoire, la liberté d’expression a perdu contre le blasphème, et la vie d’une jeune fille a été sacrifiée. Pour rien. Les islamistes n’ont cessé de gagner en puissance.

Sacrifiée par le pouvoir pour ne pas faire le jeu de l’extrême-droite

Car comment respecter ces politiques qui se sont tus ou qui se sont joints à la meute des intégristes ? Comment respecter des élus qui veulent le pouvoir et après l’avoir obtenu ne font pas leur travail et abandonnent aux islamistes une jeune fille de 16 ans, qui ne bafoue aucune loi et use de son droit ? Comment respecter des adultes qui sacrifient une enfant à leur confort, car les forces qui l’attaquent leur font peur ? C’est pourtant ce que le président de la République a fait. C’est pourtant ce que Nicole Belloubet, actuelle ministre de l’Éducation et à l’époque garde des Sceaux a fait. Elle en a même rajouté dans l’ignominie en attaquant gratuitement l’adolescente menacée de mort. Ségolène Royal a montré également l’étendue de son indifférence face aux violences pesant sur une jeune fille ; la gauche a été en dessous de tout, les associations féministes et LGBT n’ont même pas condamné les appels au viol et l’homophobie. À tous les niveaux du pouvoir, la lâcheté a été omniprésente. Et il y a une raison à cela. Politiques et associatifs avaient peur « de faire le jeu de l’extrême-droite » en désignant l’islam comme un facteur de violence et de déstabilisation politique.

Au nom de l’islam : police des mœurs et de la religion dans les lycées

Quatre ans après, on n’est pas sorti de ce piège stupide qui consiste à nier les offensives de l’islam politique, le sang qu’il fait couler, la violence et la mort que ses mœurs puritaines et inadaptées génèrent dans les quartiers où il règne en maître. Quatre ans après, l’influence des islamistes, faute d’être combattue, a encore augmenté. Mila parle de police des mœurs et de la religion dans les lycées, mais les témoignages se multiplient aussi au travail où des musulmans prosélytes et des islamistes font des remarques à ceux qui ne font pas le ramadan. Et maintenant ce sont de jeunes musulmans, pas assez réislamisés aux yeux des islamistes, qui sont victimes d’agressions, voire tués, car ils ne respectent pas la charia. La lâcheté n’a fait qu’augmenter le malheur public et le danger qui pèse sur toute la population. 

Alors franchement, voir des éditorialistes et des politiques venir faire un procès aujourd’hui à Mila parce qu’elle est proche du collectif Némésis est ridicule. Cette posture qui consiste à accrocher des cibles sur une personne qui ne doit rien au collectif, n’exerce pas de fonction de représentation et est déjà menacée, est irresponsable. Quelle est l’utilité d’une telle posture ? Comment peut-on essayer de se tailler un costume de vertu et de probité politique en dénonçant une jeune fille de 20 ans qui a déjà versé un lourd tribut à la lâcheté ?

Les choix de Mila, produit de l’abandon et de la médiocrité des politiques

La vérité devrait pourtant faire honte à tous ces petits commissaires politiques de bac à sable : si Mila a pris la main tendue des identitaires, c’est parce que ni le pouvoir ni la société ne se sont montré à la hauteur des enjeux. La jeune femme s’est sentie manipulée et abandonnée. Et elle l’a été. Influencée, elle a pu l’être par des gens sincères, qui géraient une situation d’urgence, fortement inflammable. En revanche, l’abandon des politiques, l’incapacité à trouver une solution qui montre la force de notre attachement à nos libertés publiques, la déscolarisation de Mila, l’incapacité à punir les lycéens qui l’avaient menacée dans son propre lycée, la complaisance manifestée à l’égard de ceux qui au nom de l’islam menacent de mort une adolescente de 16 ans : tout cela est inqualifiable et impardonnable. 

Le parcours de Mila s’explique d’abord et avant tout par la tragique médiocrité dont une partie du monde politique a fait preuve et par son incapacité à défendre un des fondamentaux de notre contrat social, la liberté de conscience. Une fois de plus, le parcours de la jeune fille est un révélateur de l’état du pays : si le RN ne cesse de monter dans les intentions de vote, ce n’est pas par adhésion à une dérive fascisante. Si c’était le cas, LFI, qui cumule dérapages antisémites, falsification historique, fascination pour la violence politique ou déshumanisation de l’adversaire serait au plus haut dans les intentions de vote… C’est même tout le contraire, l’ascension du RN s’explique par le conservatisme. Les Français veulent sauver leur modèle civilisationnel et social, leur système politique et leurs mœurs. C’est parce que, pour eux, leurs représentants actuels trahissent cette mission sacrée, qu’ils se tournent vers le RN. Au lieu d’en faire des gorges chaudes et de chercher des boucs émissaires à condamner, comme Mila, nos élites devraient plutôt retrouver le chemin de l’intérêt général et de l’utilité publique. Les Français pensent que les islamistes ne sont grands que parce que leurs élites sont à genoux. C’est pourquoi ils cherchent de nouveaux champions pour porter leurs couleurs. C’est cela que l’histoire de Mila raconte et que personne une fois de plus ne veut entendre.

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Ancienne conseillère régionale PS d'Île de France et cofondatrice, avec Fatiha Boudjahlat, du mouvement citoyen Viv(r)e la République, Céline Pina est essayiste et chroniqueuse. Dernier essai: "Ces biens essentiels" (Bouquins, 2021)

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