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La France dans le cœur, le Danemark dans la tête

Rien n'est pire que les fantasmes sur lesquels s'accrochent les préjugés et les réflexes d'hostilité


La France dans le cœur, le Danemark dans la tête
La Première ministre du Danemark Mette Frederiksen, le 1/01/23 lors de ses voeux © Mads Claus Rasmussen/AP/SIPA

Ainsi, ce que le petit Danemark a su accomplir pour réguler et maîtriser l’immigration, la grande France en serait incapable?


Ce que ce petit pays a mis en œuvre, contre l’ouverture des frontières à tout-va, au bénéfice de son État-providence, notre grand pays ne serait pas assez intelligent pour s’en inspirer et assez compétent pour le réaliser ? Ou bien doit-on admettre une fois pour toutes que la France « joue désormais en deuxième division alors qu’elle se targue toujours d’être une grande puissance. Dès qu’il y a une crise dans le monde, elle veut jouer un rôle ! Seulement on n’est plus dans le « game » » ? (Je cite ici Jérôme Fourquet, dans Le Figaro).

Ce pessimisme lucide qui s’attache à son rôle international doit-il être généralisé par rapport à tout ce qui menace, en gros, l’identité française et la sauvegarde de son modèle social ? Le Danemark doit-il être notre mauvaise conscience ? Je le crois, je le crains, et c’est à cause d’elle que, si j’ai la France dans le cœur, j’ai le Danemark dans la tête.

Réalisme, pragmatisme et efficacité

Parce que le Danemark nous donne des leçons de réalisme brut, de pragmatisme et d’efficacité. Parce que le réel non seulement ne lui fait pas peur (alors que beaucoup de nos politiques le fuient), mais qu’il ne concevrait pas de ne pas l’affronter dans toutes ses composantes indiscutables, objectives, afin que ses gouvernements puissent contrôler l’immigration et réguler le nombre de réfugiés. La France n’aime pas la réalité qui va ruiner ses illusions. Le Danemark s’est fondé sur elle pour y mettre fin. Le premier pas, capital, a été cette volonté de savoir pour ne pas se payer de mots et bien cibler le mal. Chaque Danois peut par exemple consulter des données de ce type, qui seraient prohibées en France:

  • Faits de violence selon le pays d’origine de leurs auteurs ;
  • Taux d’emploi des personnes ou la part des bénéficiaires de l’aide sociale selon l’origine…

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Ces précisions quantitatives, loin de favoriser un quelconque racisme, le battent en brèche car rien n’est pire que les fantasmes sur lesquels s’accrochent les préjugés et les réflexes d’hostilité.

Il ne faut pas se leurrer: cette politique danoise exemplaire, ferme et constante dans sa rigueur, n’a été rendue possible que parce qu’elle a été validée par une classe politique exceptionnelle de courage et de lucidité. Elle a fait passer l’idéologie, quelle qu’elle soit, derrière l’intérêt national. La gauche, à partir de 2015 et la crise des réfugiés, a accepté une politique d’immigration répressive. La Première ministre Mette Frederiksen, initialement à l’aile gauche du parti social-démocrate, a changé radicalement de logiciel quand elle a constaté comme ministre du Travail puis de la Justice les failles de la politique d’intégration.

Cécité ou acharnement de la gauche française

Imagine-t-on en France un tel unanimisme, une rupture si consensuellement assumée, alors que nous avons la gauche et l’extrême gauche sans doute les plus aveugles et partisanes du monde et un macronisme qui fait exactement le contraire du modèle danois? Des zigzags destinés, malgré d’apparentes évolutions, à maintenir un noyau irréfragable: un humanisme mou ayant peur de ses audaces conjoncturelles et se persuadant que le destin de la France devait se réduire à la lutte contre l’extrême droite qui, sur ce plan, a eu l’immense tort d’avoir raison trop tôt… Quelques mesures emblématiques qui montrent la rigueur danoise à tous les stades du processus d’immigration : de l’arrivée sur le territoire à l’installation en passant par l’accès aux allocations, au travail et au logement :

  • les aides sociales sont conditionnées au suivi de cours de langue et à l’acceptation d’offres d’emploi ;
  • toute peine de prison, même avec sursis, empêche définitivement l’accès à la nationalité danoise ;
  • des plans antighetto créent des zones où les sanctions sont plus sévères ;
  • confiscation des biens des migrants pour financer leurs frais d’accueil ;
  • durcissement du regroupement familial qui n’est pas automatique…

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Pour les citoyens danois, rien que de très normal dans ces décisions et ces contraintes de bon sens. Et je ne doute pas qu’en France, elles seraient approuvées pour peu qu’on cesse de s’opposer par principe à tout ce qui dépasse le champ étroit de sa famille politique. Les résultats ne laisseraient pas le citoyen français indifférent: si nous mettions en œuvre l’efficacité danoise, les demandes d’asile chez nous passeraient de 131 000 (chiffre de 2019) à… 31 000.

Des migrants venus d’Allemagne, sur une autoroute au Danemark, le 9 septembre 2015 © Ernst van Norde/AP/SIPA

La frilosité et les atermoiements de notre pays sont d’autant plus scandaleux que le pouvoir actuel, héritier d’une longue mansuétude, cherche à faire croire qu’il existe d’autres solutions pour maintenir le caractère viable de notre État-providence. Alors que l’alternative est pourtant simple et brutale: l’État-providence dans sa définition équitable et acceptable ou l’ouverture des frontières. À cause de la seconde, le risque de faillite du premier…

Il me semble que le Danemark nous montre la voie de la raison et la force du volontarisme et que la France qui nous touche au cœur ne devrait plus perdre de temps pour s’enrichir de l’une et de l’autre.

(Je n’aurais pas pu écrire ce billet sans la remarquable double page du Figaro avec d’une part l’analyse chiffrée d’Eugénie Bastié et d’autre part l’entretien avec Dominique Reynié, directeur de la Fondapol).

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Magistrat honoraire, président de l'Institut de la parole, chroniqueur à CNews et à Sud Radio.

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