Récusant l’idée que les associations tirent profit de l’accueil des migrants, Pierre Henry, le directeur général de France terre d’asile, se défend de tout angélisme. Si, pour lui, la France se doit d’accueillir dignement les demandeurs d’asile, ce devoir humanitaire n’exclut pas d’éventuelles expulsions une fois les recours épuisés.
Causeur. Notre reporter, Erwan Seznec, a longuement enquêté sur les centres d’accueil de demandeurs d’asile en France (CADA). Votre association France terre d’asile en gère 34, répartis sur tout le territoire. Dégagez-vous des marges de cette gestion ?
Pierre Henry. Nullement. Contrôlés par la Cour des comptes, nous n’avons pas vocation à faire des bénéfices. Lorsqu’à la fin des exercices annuels, nous dégageons des excédents, ces derniers sont intégralement reversés à l’État. Je vous rappelle que l’État nous finance parce nous accompagnons les personnes, rendons service à la collectivité en apportant de la sécurité et en créant de l’emploi. Nous travaillons avec l’argent public pour mener une action qui ne peut être financée que par la solidarité nationale. Et pas un centime ne sert à autre chose que ce à quoi il est destiné. L’idée selon laquelle il y aurait un marché grassouillet autour de l’accueil des migrants est saugrenue.
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Pour éviter de prêter le flanc aux critiques, vous pourriez séparer vos différentes activités. D’un côté, votre offre d’hébergement en réponse aux offres de l’État, et de l’autre vos dispositifs d’hébergement d’urgence. Cela ne clarifierait-il pas les choses ?
Il n’y a rien à clarifier. France terre d’asile répond à des appels à marchés publics extrêmement contraints. Il se trouve que la législation européenne impose désormais aux États de passer par le marché public. Mais le dispositif national d’accueil est inscrit dans le marbre des politiques de solidarité depuis 1973. C’est l’État qui le contrôle. France terre d’asile n’agit que par délégation, sans être propriétaire d’aucun bien. Nous avons un peu moins de mille salariés, un budget annuel de 90 millions d’euros, et recevons, orientons, ou hébergeons chaque jour 10 000 personnes.
Causeur. L’accueil, parlons-en. Je vous ai entendu déclarer : « On ne sait pas accueillir les migrants lorsqu’ils arrivent sur le territoire » français. Pourquoi critiquez-vous l’action de l’État dans ce domaine ?
Malgré quelques progrès récents, le dispositif de premier accueil est un peu l’angle mort de notre politique migratoire. Sur les 100 000 demandeurs d’asile présents sur le territoire métropolitain, beaucoup sont à la rue, alors que l’Allemagne, au cœur de la crise migratoire, avait accueilli 1,5 million de personnes en 2015 et réussi à toutes les héberger.
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