Marie-Rose savait que Michel l’avait trompée de nombreuses fois mais au moins avait-il jusque-là sauvé les apparences. Avec les années, Marie-Rose considérait cette discrétion comme une forme de respect à son égard. Si elle n’avait pas cédé à la tentation d’en finir avec ce mariage, ce qui lui avait quelquefois effleuré l’esprit, c’est bien pour cette raison. Mais ce jour-là, quand Michel était rentré à la maison au bras de cette jeune fille blonde à la chute de reins incendiaire, qu’il s’était installé avec elle sur le tapis du salon devant toute la famille assise sur le divan, et qu’il lui avait fait l’amour fougueusement avec un sourire en coin dans sa direction, Marie-Rose eut une soudaine envie de meurtre.
Avec sa déclaration sur « notre amie la finance », Michel Sapin s’est comporté de la même manière avec les électeurs de François Hollande. Aux rencontres économiques d’Aix-en-Provence, il a en effet lourdement plaisanté. « Notre amie, c’est la finance : la bonne finance ». C’est possible, mais le discours emblématique de François Hollande au Bourget, c’était « mon adversaire, c’est le monde de la finance ». On glosera tant qu’on veut sur la différence qu’il peut y avoir entre la finance et le monde de la finance, le fait que le propre ministre des Comptes publics se permette cette provocation, et fasse ainsi rire des mésaventures de ces imbéciles cocus d’électeurs, c’est sans doute trop pour ces derniers.
Habiller ses reniements, revenir piteusement sur ce qu’on avait annoncé aux électeurs en campagne électorale, c’est un classique. Souvenons-nous de François Mitterrand et de la « parenthèse », de Jacques Chirac qui annonça, un soir d’octobre 1995, qu’il avait mésestimé l’état du pays et qu’il allait finalement appliquer le programme de son adversaire, Edouard Balladur. Au moins, Mitterrand par la ruse, et Chirac avec sa mine contrite donnaient l’impression qu’ils regrettaient leurs reniements, et si leurs électeurs n’étaient pas dupes, comme Marie-Rose, au moins leur savaient-ils gré de donner le change. Ils seraient quand même renvoyés plus tard à leurs chères études lors des échéances électorales mais cela ne serait pas définitif. Sapin, lui, explique à l’électeur : « Tu nous as cru, espèce de buse, tu croyais vraiment à ce qu’on disait ? Mais tu es incorrigible ! Regarde bien comme nous prenons du plaisir à faire exactement le contraire de ce que nous avions dit. Les promesses du mariage, Marie-Rose, les promesses électorales, con d’électeur, c’est du vent. Regarde-bien et médite ton erreur. »
Marie-Rose a quitté la pièce et a sorti le vieux fusil de chasse de son père qui était rangé dans le garage. Elle l’a chargé consciencieusement, et s’est dirigée vers le salon. Alors que Michel continuait de la cocufier vigoureusement sur le tapis, elle épaula et tira les deux cartouches dans la tête de son époux qui continuait à sourire. L’électeur de François Hollande, lui, n’a pas vraiment de fusil. Mais le Parti socialiste peut tout de même mourir de ce genre de « plaisanterie ».
*Photo : ROMUALD MEIGNEUX/SIPA. 00684269_000018.
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