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Michel Onfray, un cogneur en liberté

Un philosophe qui aime la polémique


Michel Onfray, un cogneur en liberté
Michel Onfray invité de la chaîne CNews, 30 août 2022. D.R.

Sur CNews, le philosophe a répondu aux attaques contre les hommes de la députée Sandrine Rousseau et à ses propos sur la virilité du barbecue. « C’est un délire cette femme, je me demande comment on peut créer autant de sottises régulièrement » a-t-il commenté. « La seule bonne chose qu’elle ait faite, c’est de ne plus enseigner! Ce sont des pensées d’une gamine de 13 ans » a-t-il ajouté.


Michel Onfray n’est pas à prendre ou à laisser. Il n’impose pas un choix aussi radical. On peut le savourer dans ses meilleurs moments et s’éloigner un peu de lui à d’autres.

Michel Onfray n’est jamais grossier. Mais parfois brutal. Et cette brutalité, paradoxalement, l’incite à aller au plus près de la vérité sur des sujets et des thèmes où généralement les frilosités et même les lâchetés prospèrent. En effet, doué à ce point pour le verbe polémiste, on ne l’imaginerait pas en user pour la langue de bois. Il est condamné et se condamne à des propos et à des fulgurances décapantes. Le tiède ne peut pas être son fort.

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Y’ en aura pour tout le monde !

Certes, on peut considérer que sa pensée politique, avec sa veine systématiquement anti-maastrichienne servant de critère ultime pour tout, et sa détestation absolue d’Emmanuel Macron, relèvent d’un paroxysme dérangeant pour un être de cette intelligence. Comme s’il avait besoin ici ou là de se reposer de son habituelle finesse d’analyse même si elle n’épargne rien ni personne. Jean-Luc Mélenchon, qu’on se rassure, n’est pas oublié, il a droit à sa part d’Onfray !

Mais puis-je avouer, sans être stigmatisé par les esprits univoques et donc sectaires, que l’immense talent du batailleur, du cogneur, et la plupart du temps son extrême et libre lucidité, sont un régal d’autant plus qu’ils se déploient tant dans l’oralité que par l’écriture. Michel Onfray a cette qualité fondamentale qui manque à la vie intellectuelle et médiatique d’aujourd’hui : il est imprévisible parce qu’il accepte de ne pas se laisser résumer à une unité pauvre et à la longue lassante. Le pluralisme consubstantiel à tout ce qu’il pense, qui l’agite ou l’indigne fait qu’on ne s’ennuie jamais avec lui parce que TOUT a du sens, qu’on le récuse ou non. Cet homme existe et c’est le plus beau compliment qu’on puisse faire à quelqu’un dans un monde où on confond souvent cette qualité avec l’affirmation vulgaire de soi.

S’il retourne un jour au bureau de vote, ce ne sera pas un électeur de la gauche woke

Tout ce dont je crédite Michel Onfray, je l’ai perçu avec intensité et bonheur quand remarquablement questionné par Laurence Ferrari sur CNews – plus attentive à le laisser parler qu’à occuper abusivement le terrain -, il a, avec une vigueur et une pertinence suscitant l’éclat de rire, dénoncé les aberrations de Sandrine Rousseau, notamment sur la virilité du barbecue (il y aurait eu quelque chose à retenir, mais elle dit tout toujours si mal !) mais en ciblant l’essentiel : cette femme a été professeur dans l’enseignement supérieur. On me pardonnera de trouver, comme lui, qu’on ne peut pas s’égarer ici sans être dangereuse là. Les citoyens sont des victimes de ses errements comme ses étudiants ont dû l’être hier. Sans doute va-t-on alléguer que pour Michel Onfray, Sandrine Rousseau – « un délire » – était une opportunité de combat trop facile. Mais il est allé plus loin dans un domaine où le politiquement correct aurait pu au contraire l’entraver. Et il l’a mis en pièces.

La France est de plus en plus à droite et en colère : une étude Fondapol établit ce constat. Mais Michel Onfray, portant le fer dans la plaie, pourfend la gauche durement, et de manière originale, en refusant le concept de droitisation. Pour lui, il s’agit seulement de l’expression du bon sens. J’apprécie qu’il fasse sortir ces catégories politiques de l’idéologie pour les examiner au regard de la santé mentale ou non de ceux qui les mettent en avant.

À gauche, le bon sens a disparu

Ainsi, prenant certains exemples, il s’interroge sur l’école, le crime de viol, la santé en n’imaginant pas que la gauche puisse : refuser que l’école apprenne à lire, à écrire et à compter, être favorable au viol et hostile à un meilleur fonctionnement de la santé. La droite ne serait donc plus une alternative politique mais l’expression de ce que tout un chacun, débarrassé d’œillères bêtement partisanes, devrait vouloir et approuver.

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J’entends bien que cet éloge du bon sens ne pourrait pas s’appliquer à l’ensemble des problématiques politiques et sociales, voire sociétales, et que la droite, à tout coup, serait injustement privilégiée si on la constituait comme propriétaire exclusive du bon sens. Il n’empêche. Il y a des idées qui sont des absurdités et des propositions des aberrations. Il manque aux idéologues qui les profèrent d’avoir les pieds sur terre et la tête dans le possible et le souhaitable.

Après avoir écouté Michel Onfray, le téléspectateur revient à sa quotidienneté enrichi, groggy non pas à cause d’une vaine surabondance mais parce qu’un cogneur en liberté, décapant et profond, est une aubaine. On change d’air. L’entretien avec lui est vraiment un événement. Il y en a peu qu’on attend, qu’on écoute, qu’on espère. Il en est.

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Magistrat honoraire, président de l'Institut de la parole, chroniqueur à CNews et à Sud Radio.

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