Théoricien et historien du cinéma et du théâtre, grand défenseur de la langue française, dramaturge, romancier et chroniqueur, Michel Mourlet vient de publier à 88 ans un nouveau recueil d’articles. L’écrivain Christopher Gérard rend hommage à un auteur qui n’a cessé de pourfendre les littérateurs médiocres, les dévots de la culture officielle et les contempteurs de la nation.
Près d’un demi-siècle après la parution de L’Éléphant dans la porcelaine (1976), recueil d’articles, paraissait le cinquième volume du Temps du refus, sous le titre Péchés d’insoumission. S’y retrouve le même esprit de résistance spirituelle que dans Crépuscule de la modernité, La Guerre des idées et Instants critiques. Même lucidité, même limpidité dans l’analyse du funeste déclin, même ligne claire dans l’expression, même cohérence mentale – une lame de Tolède.
Michel Mourlet publie aujourd’hui, non pas la suite, mais un complément bienvenu, sous le titre : Trissotin, Tartuffe, Torquemada. La conjuration des trois T, les jalons d’un parcours rebelle depuis plus de six décennies, à rebours des modes et en opposition frontale à la culture officielle. Par une triste coïncidence, ce livre paraît au moment où quelques centaines de poétastres et de rimailleuses dénoncent en chœur, et dans un charabia à prétentions « inclusives », un écrivain voyageur, Sylvain Tesson, coupable d’incarner « une icône réactionnaire ». Éternelle cabale des médiocres qui illustre le mot connu de Bernanos : « Les ratés ne vous rateront pas ».
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Depuis le mitan des années 1950, Mourlet ferraille contre cette alliance des pédants, des faux-jetons et des fanatiques, précurseurs de l’actuelle pensée unique. Parmi les cibles de ce recueil de textes anciens ou récents, les dérives d’une certaine littérature, l’académisme de l’art contemporain, la dégradation continue de notre langue française.
L’ouvrage commence par un « Précis de dégoût politique », une démolition en règle du devoir d’ingérence et de toute illusion romantique : « L’erreur fatale de l’homo politicus moderne est d’auréoler d’une frange mythique de morale de purs rapports de force, de purs affrontements de fauves dans la jungle ». Son programme ? « Retrouver l’ordre naturel des choses, la simplicité de l’être », à savoir les hiérarchies, au fondement de toute société juste et durable.
Sa défense de la nation contre les délires fédéralistes, fourriers du mercantilisme le plus destructeur et de la paralysie la plus débilitante, le poussa naguère à s’engager aux côtés de Jean-Pierre Chevènement.
Les attaques sournoises contre le français exaspèrent Mourlet : « La langue nationale fait partie de nos biens les plus précieux. Le citoyen qui la dégrade est coupable de haute trahison ; le politicien ou le fonctionnaire de l’État qui tolère ou encourage cette dégradation est coupable de forfaiture ». Ses charges contre le franglais sont jubilatoires : il s’agit toujours pour lui de se dresser contre ceux qui, acceptant de perdre leur langue, perdent leur âme.
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Rédigé à vingt ans (!) et dans une totale solitude, son « Contre Roland Barthes », « idole aux neurones tordus », témoigne de sa lucidité comme de la fermeté de son style : « La syntaxe est un impératif des échanges humains, intemporel, non soumis aux aléas de l’Histoire ou à quelque contrainte née de la lutte des classes ». Ou cette conclusion, lumineuse : « L’écriture, opération thaumaturgique, se situe d’emblée hors du temporel ; et lorsqu’elle s’y plonge, elle le solidifie, l’immobilise, le sculpte. Avec son ciseau de sculpteur et les armes plus secrètes de sa musique, l’écrivain se bat contre la mort. Tout ce qui tend à situer la littérature à l’écart de ce drame se condamne à l’insignifiance. » Michel Mourlet ? Un pur classique.
Michel Mourlet, Trissotin, Tartuffe, Torquemada : la conjuration des trois « T« . Jalons d’un parcours rebelle 1956-2022, France Univers, 2023, 215 pages.
Trissotin, Tartuffe, Torquemada: La conjuration des trois "T"
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