Cinéphile, mémorialiste, romancier, critique de haute culture, Michel Mourlet n’a cessé d’écrire en homme qui ne se fie qu’à son goût.
Avec Une Vie en liberté (Séguier), ses mémoires publiés en 2016, Michel Mourlet s’amusait à évoquer les « heureuses rencontres » d’une vie bien remplie. Auteur vers 1960 du manifeste des Mac-Mahoniens, phalange de cinéphiles en rupture avec la « bien-pensance » cinéphilique de l’époque (ces jeunes gens, dont Alfred Eibel et Bertrand Tavernier, adulaient Lang, Losey, Preminger et Walsh – et non Antonioni ou Hitchcock), Michel Mourlet est aussi romancier, salué par Fraigneau et Morand. Et homme de théâtre, critique, spécialiste de la télévision, éditeur indépendant de livres et de revues (la fameuse revue non-conformiste Matulu !), défenseur de la langue française, et même acteur de cinéma (dans A bout de souffle)…
Ludique et désenchanté
Surtout, ce disciple contemporain de Parménide incarne d’une manière éminemment française celui qui refuse de marcher en file indienne, « ludique et désenchanté, grave et désinvolte ». Deux livres récents permettent de mieux connaître cet esprit indépendant. Le cinéphile d’antan tout d’abord avec Survivant de l’âge d’or, un recueil d’inédits, études et entretiens datant des années 1970-2020, où Michel Mourlet évoque, dans le désordre, Rossellini et Cecil B. DeMille ; ses amis Rohmer et Cottafavi, Astruc et Sautet ; Fellini et Tarantino, deux cinéastes qu’il goûte peu ; et Godard, jugé surfait sauf dans Pierrot le fou.
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Le critique littéraire ensuite avec la troisième édition revue et augmentée de ses Ecrivains de France. XXème siècle, dont j’ai le bonheur de posséder les trois éditions ornées d’amicaux envois. Cela fait bientôt vingt-cinq ans que j’ai reçu cet essai si personnel, magnifique galerie d’écrivains salués avec une savante amitié et dédié à Michel Déon.
De Chardonne à Montherlant
Anouilh l’hurluberlu, si longtemps tenu sous le boisseau malgré ses cinquante pièces, dont Antigone et Ornifle ou le courant d’air. Beckett, l’aboulique suprême. Bernanos, l’intransigeant, toujours déçu par les faits et n’aimant que les causes perdues. Chardonne, « l’un des plus parfaits produits de l’âme française ». Claudel, « molosse de la foi ». Déon, bien sûr, dont Mourlet dit l’importance du tout grand roman qu’est Un Déjeuner de soleil. Le regretté Dupré. Fraigneau, le phénix, qui connut le purgatoire et la renaissance de son vivant, un peu comme Morand (hélas ! absent de ce livre). Tant d’autres, de Giraudoux à Toulet, sans oublier Montherlant, interrogé peu avant son suicide et qui confie sa douleur de vivre dans un monde où tout le blesse.
Deux bijoux de haute culture, deux exemples d’une réjouissante liberté d’esprit.
Michel Mourlet, Survivant de l’âge d’or. Textes et entretiens sur le cinéma 1970-2020, Editions de Paris.
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