Et c’est du bon croyez-moi, tâtez-moi ces larmes ici touchez-moi ça. Michel Jonasz est de retour sur terre avec un album sublime. Flanqué par des musiciens incroyables, il livre un diamant pur au saphir des platines. Sur la balance, du blues mais aussi fifty-fifty, du swing et du groove. S’il n’en reste qu’un ok, c’est Eddy, mais Michel Tear drop Jonasz doit rester aussi.
Plus Michel que jamais, Jonasz comme j’aimais. Plus de 40 ans que sa voix embarque des caisses de larmes en cristal de Bohême pour une traversée de l’Atlantique. La carcasse cabossée par ces années de fret, il pose aujourd’hui sa voix blanche sur une musique noire bien carrossée. Et touche une fois de plus les étoiles.
Gai Luron dans la peau de Droopy. On est à la fin des années 70, une éphémère carrière de joueur de tennis me renvoie dans un sleeping du Paris-Méditerranée, terminus en Gare Saint-Charles. Avant de quitter Lutèce je veux encore profiter de la foisonnante programmation parisienne. La FM n’est pas spécialement spécialisée funky et pour cause, elle n’existe pas. Mais France Inter joue son rôle de passeur sur le sentier des braconniers. Et passe un titre qui vous chope au plexus. Super Nana. Par Michel Jonasz. De Jean-Claude Vannier, accoucheur et co-compositeur de l’histoire de Melody Nelson, le chef d’œuvre gainsbourien. Jonasz se produit au Théâtre de la Ville. Pow pow pow la gifle, ce son, cette voix. Mais qui c’est ce smiling bonhomme, cet athlète ? Deux heures à nous remplir une piscine olympique de ses peines, à dissoudre son âme slave dans l’auto-dérision et l’humour qui l’accompagnent encore. Pourquoi tout ça pourquoi moi ou tu avais mon nom et mon adresse tristesse. Après cette droite à la pointe du menton, avec son uppercut il doit renvoyer Giscard jouer de l’accordéon dans une grotte des monts d’Auvergne. Pas loin. Les années 80 sont les siennes, c’est lui le patron du Sentier. Chemise Hawaï XXXL sur le pantalon, veste de costard large comme un juke-box des sixties et des Vans pour une dégaine Miami Vice-Yachting Club. Mais aussi et surtout des disques couverts de perles. Comme s’il en pleuvait.
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Jonasz, D’Angelo, Katché, le label Rouge de Blue Note. Depuis les années 80 ils sont ses alter egos, ses adjoints distributeurs de swing et de groove. Avec la rythmique chevillée au bout des doigts, D’Angelo ferait swinguer un parpaing. Il rebondit sur l’ivoire à la manière des percussionnistes cubains, en killer des pianistes. Manu Katché a le relâchement musculaire des grands boxeurs, des puncheurs esthètes, de Sugar Ray Leonard. Alors forcément pour ses peaux, à l’impact ça claque. C’est sec, nerveux, ça sonne. La réalisation du disque s’est donc faite à trois. La complicité et le bonheur de jouer ensemble les unit et déborde par tous les sillons du vinyle. Pour les accompagner, Gai Luron n’a pas dépouillé la fanfare municipale de Roquefort la Bédoule. A la basse Darryl Jones le bassiste des Stones. A la guitare Dean Parks, collaborateur entre autres, de Michael Jackson, Stevie Wonder. Adrian Utley le second guitariste, Jeff Beck… Au Tabasco sa géniale et fidèle section cuivres, autour de Michel Gaucher, sax ténor et soprano, Éric Mula à la trompette et Pierre D’Angelo Brother, aux sax baryton et ténor. Tout ce beau monde se refait le fruit confit sur les 11 petits bijoux arrangés par les trois tailleurs de pierre. Un douzième en bonus où M allume la mèche et fait le18.
Jeu Set et Match Jonasz. La porte d’embarquement s’ouvre sur une montagne, la tradition, avec Chanter le blues. Le col est franchi en rigolant par la cordée, mais vous laisse KO, d’entrée. C’est simple, beau à pleurer un Danube, les chœurs sont d’une pureté à tomber de l’autel. Ensuite un Fais du blues fais du rock’n roll jouissif et rutilant, une crue de Blue Lagoon sous la canicule. Au3ème round, troisième retour au tapis avec Rip it up, qui tourne tourne tourne dans ma tête, oh la haut! La sourdine... West Coast FM.Oh tu vas nous faire les 12 comme ça? T’as raison, au 12 enlève la blouse. Pas le blues.
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