« Comparaison n’est pas raison » comme le dit un vieux proverbe et les événements tragiques de ces derniers jours nous montrent qu’à défaut d’avoir raison certains la perdent. En effet, oser comparer des tags islamophobes aux prémices de la Nuit de cristal était un pas que toute personne dotée de raison n’aurait osé franchir, sauf le préfet du Rhône qui nous prouve, une fois de plus, que les deniers des contribuables servent aussi à payer des gens pour dire n’importe quoi.
La Nuit de cristal, « ReichsKristallnacht » en version originale, eut lieu la nuit du 9 au 10 novembre 1938 dans toute l’Allemagne nazie. Pour « venger » l’assassinat du secrétaire de l’ambassade d’Allemagne à Paris, Ernst Vom Rath, par un jeune juif polonais Herschel Grynspan, un pogrom d’une ampleur inégalée fût organisé sur tout le territoire du Reich avec ordre de ne rien faire pour protéger les juifs ni leurs biens. Dans son journal, Joseph Goebbels, le ministre de la propagande, écrira : « Nous ne faisons éteindre les incendies que si c’est nécessaire pour les bâtiments allemands du voisinage. Sinon, laisser brûler. » Bilan de cette Nuit de cristal : environ cent morts (sans compter les nombreux suicides), plus de 200 synagogues brûlées, plus de 7 000 commerces saccagés, plus de 20 000 juifs déportés dans les camps de concentration de Dachau, Buchenwald et Sachsenhausen.
Ainsi, si on en croit le préfet de Rhône, Michel Delpuech, il s’est passé en France cette semaine un événement au bilan humain comparable à la Nuit de cristal. Ou, du moins, pouvant y conduire.
Il est vrai que nous avons eu ces derniers jours près de cent morts en France, mais ce n’étaient pas des victimes de l’islamophobie mais de l’islamofascisme. Les commerces saccagés ? Peut-être y en a-t-il eu aussi du côté du Val d’Oise ces derniers jours tout comme des voitures brulées, mais ces saccages n’avaient a priori rien d’islamophobes. Quant aux 20 000 déportations vers les camps de concentration, je ne crois pas que ce type de lieux existent dissimulés quelque part sur notre territoire…
Inutile de dire que ce type de comparaison déshonore celui qui l’a faite tout autant que ceux qui le maintiennent en poste, les préfets étant nommés par le président de la République sur proposition du Premier ministre. Comparer deux tags, éminemment condamnables, à l’acte qu’on pourrait qualifier de « point de départ » de la Shoah est en effet une banalisation du nazisme insupportable pour toute personne ayant conscience de ce que fût cette tragédie.
Si on faisait des comparaisons à la préfet de Rhône, la Marseillaise conspuée au Stade de France lors de matches de football de triste mémoire ce serait quoi ? Le congrès de Nuremberg en version footballistique ?
Rappelons que le dernier pogrom ayant eu lieu en France s’est passé à l’Hyper Cacher de la porte de Vincennes le 9 janvier 2015 et que le bilan fût de 4 morts, victimes de l’islamofascisme, bref un bilan autrement plus lourd que deux tags, aussi condamnable soient-ils il faut le répéter…
Rappelons aussi pour la réalité historique que Nuit de cristal se dit aussi en allemand « Reichspogromnacht », la « nuit de pogrom du Reich », et que les pogroms ne se sont jamais résumés à des coups de bombe de peinture…
Ces déclarations du préfet du Rhône ont au moins un mérite : faire progresser la langue française. Car si on connaissait l’expression « solide comme du cristal », on devra désormais en ajouter une autre à notre vocabulaire : « inconsistante comme une référence préfectorale à la Nuit de cristal… »
Attentats de Nice et Saint-Etienne-du-Rouvray, par magazinecauseur
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