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Michel Clouscard est mort


Michel Clouscard est mort

Das Kapital a-t-il mandaté un serial killer pour en finir avec les grands philosophes marxistes de notre temps et les empêcher de penser une alternative à la catastrophe en cours ? Après la mort de Georges Labica que nous vous signalions la semaine dernière, c’est au tour de Michel Clouscard de disparaître à l’âge de 81 ans. Le marxisme étant une grande maison, l’œuvre de Michel Clouscard s’est souvent construite en opposition frontale à Althusser et donc aussi à Labica.

Résolument hostile au structuralisme et au terrorisme épistémologique qui ossifie les sciences sociales depuis un demi-siècle, Clouscard, dans la lignée de Lukacs, Goldmann et Lefèvre, a développé une pensée originale qui plaît même aux réactionnaires : son analyse de la récupération par le capitalisme des « progrès sociétaux » pour occulter la vieille question sociale, toujours en suspens, l’a amené à une critique radicale de Mai 68 comme contre-révolution libérale-libertaire. Il est d’ailleurs l’inventeur de ce néologisme qui se révèle si manifestement pertinent pour comprendre aujourd’hui l’indécence et la morgue des ex-gauchistes convertis à l’intégrisme libre échangiste.

Consubstantiellement homme du progressisme et du monde d’avant, amateur de jolies femmes, de vieux livres, de soleil corse, de rugby et de gaillac perlé, lecteur attentif de Rousseau, dont il dynamita la relecture baba-cool et décrypteur inspiré du mythe de Tristan et Yseult, dont il exalta l’universalité, Clouscard ne se contenta pas d’être instinctivement hermétique au féminisme, à l’écologisme, au cosmopolitisme : il en dénonça, parmi les premiers les effets pernicieux sur la société française en général et sa composante communiste en particulier.

On lira avec profit Le capitalisme de la séduction (1982) et surtout le prophétique Néofascisme et idéologie du désir qui date de 1973. Dans le post-scriptum à la réédition de 2007, Michel Clouscard écrit notamment : « Le néofascisme sera l’ultime expression de libéralisme social libertaire, de l’ensemble qui commence en Mai 1968. Sa spécificité tient dans cette formule : tout est permis mais rien n’est possible. »



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