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Insécurité: que peut-faire Barnier?

Le billet politique de Philippe Bilger


Insécurité: que peut-faire Barnier?
© JEFF PACHOUD-POOL/SIPA

Obliger police et Justice à s’apprécier ? Les regrouper sous une autorité commune ? C’est l’idée du grand ministère de la Sécurité nationale. Et si Michel Barnier avait raison, et reprenait son idée de 2021 ?


Un grand pôle « sécurité, justice, immigration » est prévu à Matignon et, comme il se doit, les syndicats judiciaires dénoncent d’une voix unie l’absence d’un conseiller « justice » autonome. Cette protestation ne doit pas émouvoir le Premier ministre dès lors que ce regroupement correspond à une logique forte et que par ailleurs Michel Barnier, quand il était candidat à l’investiture LR lors de la primaire en 2021, avait formulé à mon sens une excellente proposition : celle d’un grand ministère de la Sécurité nationale réunissant Justice et Intérieur. Il ne semble pas que la seule argumentation sur l’absence préjudiciable d’un conseiller « justice » spécifique soit déterminante. Ce corporatisme organique ne serait décisif que si le triptyque envisagé par Matignon n’était pas cohérent et ne formait pas une unité naturellement solidaire, tant par la proximité des éléments qui la composent que par leur efficacité pratique dans le combat mené par les forces régaliennes pour répondre aux menaces actuelles. Qui pourrait nier en effet la complémentarité opératoire sur le plan pénal et le déséquilibre entre sécurité, immigration et justice ? Mais l’originalité de la provocation formulée par Michel Barnier en 2021 est ailleurs : elle réside dans le fait de la création d’un unique ministère qui serait structuré de telle manière qu’il aurait la main et la maîtrise à la fois sur la part judiciaire et sur la part sécuritaire.

En totale immodestie je suis d’autant plus sensible à cette suggestion que depuis des années, dans des notes et des analyses, j’avais soumis cette idée aussi bien à Raymond Barre qu’au CDS de Jacques Barrot et Pierre Méhaignerie. En vain, bien évidemment.

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Parce que pour être accordé à l’importance d’un tel thème, il faut être au fait d’une réalité pénale qui oppose trop souvent les magistrats aux fonctionnaires de police, la Chancellerie à la place Beauvau et, plus généralement, la Justice et sa condescendance à l’Intérieur avec sa détestation de certains juges. Cet antagonisme, avec la faillite de l’exécution des peines, est le problème le plus préoccupant aujourd’hui. Il ne pourrait être théoriquement résolu que si, par miracle dans une même structure, étaient techniquement et politiquement soudés deux univers que l’organisation contraindrait à travailler ensemble et donc, à force, à s’apprécier.

Il est navrant de constater le caractère utopique d’une telle révolution alors que pourtant rien, entre police et magistrature, n’interdirait, en parfaite conscience de leur utilité républicaine commune, une complicité de bon aloi au service du peuple et un respect mutuel. Non plus une police présumée coupable et aux mains sales contre des juges à l’esprit propre et trop ignorants d’une quotidienneté dangereuse et des risques courus par les policiers. Mais des alliés pour favoriser le meilleur et prévenir ensemble le pire.

Je ne voudrais pas qu’à nouveau, trop rapidement, le syndicalisme judiciaire protestât avant de réfléchir.




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Magistrat honoraire, président de l'Institut de la parole, chroniqueur à CNews et à Sud Radio.

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