Le gouvernement Barnier ne tient plus qu’à un fil… qui s’appelle Marine Le Pen. Toute la classe politique semble plus obsédée par ses petits calculs présidentiels que par l’avenir du pays. Il est cocasse de noter que tous ceux qui poussent Emmanuel Macron à la démission sont en fait en train de tuer l’institution pour laquelle ils se battent, analyse Elisabeth Lévy.
Marine Le Pen doit savourer sa revanche : c’est elle qui lèvera ou baissera son pouce à la fin de la journée.
J’ignore si le RN votera ou non la censure au cas probable où le Projet de Loi de financement de la Sécurité sociale serait soumis au 49.3. Mais après que le ministre du Budget Laurent Saint-Martin a déclaré au Parisien que le gouvernement ne bougera plus, en off ce weekend c’était on va y aller. Le supplice chinois durera jusqu’au bout. Ou peut-être devrait-on parler de supplice breton ? « Sauf miracle de dernière minute, nous voterons la censure », affirme ce matin Jordan Bardella au micro de RTL.
Les grandes consciences économiques françaises inquiètes
Agnès Verdier-Molinier, Nicolas Baverez ou l’excellent Vincent Trémolet de Villers, qui signe un édito intitulé « La nef des Fous » dans Le Figaro, crient au feu et au fou et dénoncent une classe politique obsédée par les calculs présidentiels plutôt que par l’avenir du pays.
Ils ont raison sur le fond. La chute du gouvernement Barnier conduirait sans doute à l’instabilité politique et à l’inconnu financier. Tant qu’on ne peut pas dissoudre, le pays n’a pas de solution de rechange. Et en réalité, Marine Le Pen ne sait pas bien ce qu’elle fera le jour d’après.
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Vers le chaos ?
Donc, si le RN vote la censure il serait responsable du chaos, entend-on désormais. Le risque est moins le chaos que la longue et désespérante poursuite du sur-place, des petits arrangements et des colmatages. On ne sera pas la Grèce demain matin, mais un petit pays de l’Union européenne trop empêtré dans ses problèmes pour compter…
Si la censure se produit, les torts seront au moins partagés. Rappelons la débilité du front républicain, au second tour des législatives. En juillet, toute la classe politique braillait que le RN menaçait la démocratie, qu’ils étaient des quasi-nazis. Des démocrates bon teint ont préféré faire élire des Insoumis anti-France, anti-flics et antisémites que des députés RN raisonnables. Ces derniers ont été diffamés et traités comme des pestiférés. C’était « tout sauf le RN ». Et maintenant, on leur fait le coup de moi ou le chaos. Il faudrait être un saint pour ne pas être tenté…
Politique spectacle
Michel Barnier s’est montré courtois, ce qui est le minimum syndical dans une démocratie qui se respecte. La presse nous présente cela comme une incroyable innovation. Mais, quand le Premier ministre a fait ses premières concessions (désindexation des retraites, hausse des charges pour les entreprises), il a préféré les offrir à… Laurent Wauquiez.
Marine Le Pen est par ailleurs poussée à la vengeance politique par ses militants et électeurs qui ne sont peut-être pas tous des spécialistes de droit constitutionnel. Mme Le Pen joue peut-être aujourd’hui sa stature d’homme d’Etat. En attendant, cet épisode nous rappelle qu’on ne méprise pas impunément le premier parti de France et ses 11 millions d’électeurs. La politique de la France ne se fait pas à la corbeille, disait de Gaulle. Pas complètement, et heureusement ! Mais elle ne doit pas non plus se faire sur les plateaux de télévision.
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