Sortie en DVD du Cercle Noir, polar hargneux des seventies où Bronson fait ses gammes dans le rôle du solitaire au flingue facile
Juste avant d’incarner Paul Kersey dans le fameux et controversé Un justicier dans la ville, Charles Bronson retrouvait Michael Winner pour la troisième fois avec Le Cercle noir. Avant d’être un peu commode « citoyen vigilant », il endosse ici la défroque du flic solitaire aux méthodes peu orthodoxes. Face à une hiérarchie mollassonne et soucieuse avant tout de l’image qu’elle peut renvoyer, Lou Torrey n’hésite pas à jouer de la gâchette et à tuer les délinquants qui n’obtempèrent pas assez rapidement.
La mort d’un adolescent portoricain lui vaut une mutation à Los Angeles où il enquête sur une série de meurtres annonçant une vaste opération mafieuse, l’un des chefs de la mafia sicilienne tentant de réaffirmer sa mainmise sur New-York…
Méthodes expéditives
Pour quiconque se souvient de l’ire provoquée par Un justicier dans la ville et des noms d’oiseau qui accueillirent la sortie du film (« fasciste », entre autres), Le Cercle noir frappe d’abord par son discours assez nuancé et finalement plutôt « progressiste ». En effet, les méthodes de Torrey ont beau être expéditives, il ne les applique jamais de gaieté de cœur et trouve toujours des excuses à ceux qu’il descend, notamment en condamnant cette discrimination opérée par une société obligeant les pauvres, les immigrés à recourir à des expédients illégaux. Par la suite, il reprendra un de ses collègues qui traite un prévenu de « nègre » et il aura des mots très durs pour un État fédéral ayant envoyé au casse-pipe vietnamien de nombreux jeunes gens qui ne pourront jamais en revenir indemnes.
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À mesure que progresse l’intrigue, Torrey s’insurge contre une hiérarchie qui souhaite toujours faire porter le chapeau des crimes aux contestataires (Black Panther, hippies, opposants politiques…) tout en laissant tranquille les véritables mafieux. L’individualisme de ce flic contraste donc avec l’image qu’on peut avoir d’un Bronson nettoyeur et adepte de l’autodéfense (mais rappelons par la même occasion qu’Un justicier dans la ville est beaucoup plus ambigu et nuancé que ce qu’on a bien voulu en dire).
La gent féminine réduite à des silhouettes insignifiantes
Alors certes, Michael Winner n’est pas un cinéaste très raffiné et ne fait pas dans la dentelle. Il surfe sur les recettes qui fonctionnent à l’époque : de spectaculaires courses-poursuites en voitures qui évoquent French Connection, une guerre de gangs mafieux en souvenir du Parrain, un flic aux méthodes qui rappellent celles de Clint Eastwood dans Dirty Harry… Tout cela est un peu confectionné à l’emporte-pièce mais Winner possède un vrai talent d’artisan et Le Cercle noir est un film redoutablement efficace, surtout dans sa première partie. Toutes proportions gardées, le cinéaste s’inscrit dans la tradition d’auteurs comme Aldrich ou Siegel, adeptes d’un cinéma brutal et sans « mauvaise graisse » quant à la mise en scène.
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Il manque sans doute à Winner le sens de la nuance de ses prédécesseurs et une certaine ampleur. Par ailleurs, il fait preuve d’une incapacité assez désolante lorsqu’il s’agit de filmer des personnages féminins. C’est particulièrement flagrant dans Le Cercle noir, œuvre excessivement « virile » et qui met de côté la gent féminine réduite à des silhouettes insignifiantes (elles sont toutes aguicheuses et tombent systématiquement en pamoison devant le charme monolithique de Torrey).
Mais si on passe outre ces défauts, on peut être séduit par ce récit rondement mené, sans temps morts (mais avec beaucoup de cadavres !) et porté par un Charles Bronson dont l’apparent « non jeu » se révèle au bout du compte plus subtil qu’il ne le laisse paraître…
Le Cercle noir (1973) de Michael Winner avec Charles Bronson (Editions Sidonis Calysta)
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