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Ouverture des frontières: un suicide humanitaire


Ouverture des frontières: un suicide humanitaire
Ancien journaliste et essayiste, Michael Klonovsky est conseiller du parti allemand AfD.
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Ancien journaliste et essayiste, Michael Klonovsky est conseiller du parti allemand AfD.

Propos recueillis à Munich par Daoud Boughezala et George Broder

Causeur. En un peu plus d’un an, l’Allemagne a accueilli un million et quelques migrants, notamment en provenance de Syrie. Sur une population de plus de 80 millions d’habitants, ce chiffre peut somme toute paraître modeste. Quel bilan dressez-vous de leur présence ?

Michael Klonovsky. Avant de vous répondre, j’aimerais corriger vos informations. Contrairement à ce que certains prétendent, il ne s’agit pas de réfugiés ni majoritairement de Syriens. Bizarrement, ces migrants ont gardé un téléphone portable mais aucun passeport. Leurs origines sont d’ailleurs assez diverses : Afghans, Algériens, Tunisiens, Syriens, Irakiens, etc. Pour établir la nationalité de chaque migrant, le droit allemand impose la présence d’un fonctionnaire spécialisé, ce qui rend le recensement inapplicable en pratique. En tout cas, seule une petite partie des migrants est constituée de réfugiés politiques. Pour la plupart, ils n’ont tout simplement pas le droit de séjourner en Allemagne. Et leur nombre est désormais plus proche des deux millions que du million que vous évoquiez. Sachant qu’il s’agit essentiellement de jeunes hommes, il faut comparer leur masse à celle des jeunes Allemands. Aussi, le rapport de forces démographique est de plus d’un million de jeunes migrants sur les huit millions de jeunes hommes âgés de 16 à 30 ans qui formeront l’Allemagne de demain. Dans notre société vieillissante, où l’âge moyen atteint 50 ans, on est dans un rapport d’un à huit !

Passons du quantitatif au qualitatif, autrement dit des chiffres à la culture. Au bout d’un an, où en est l’intégration culturelle de ces nouvelles populations ?

L’afflux migratoire déstabilise un peu plus notre société déjà fracturée par le poids des minorités. On déplore par exemple la réislamisation d’une partie des Turcs installés en Allemagne : les voiles se multiplient et, comme l’a révélé une étude de l’université de Munster, près de la moitié des citoyens d’origine turque considère que la loi islamique passe avant la loi de la République fédérale ! De l’avis des premiers intéressés, la perspective de regroupement des différentes vagues d’immigration sous la bannière d’Allah n’est pas un fantasme. Mais je nuancerai quelque peu ce tableau : d’après les sondages, la moitié des Turcs résidant en Allemagne se disent sceptiques face à l’arrivée des migrants…

En France, notamment dans les milieux peu germanophiles, il se dit qu’Angela Merkel a autorisé cet afflux migratoire massif pour répondre aux besoins en main-d’œuvre du patronat allemand…

Si Angela Merkel avait pris cette décision pour répondre à une nécessité économique, elle aurait fait venir d’autres groupes humains. Car plus des deux tiers des migrants arrivés ces derniers mois soit n’ont ni diplômes ni qualifications professionnelles, soit possèdent des diplômes de valeur bien moindre que leur équivalent allemand. Un diplôme d’ingénieur en Allemagne n’a rien à voir avec son prétendu équivalent en Afrique ou au Moyen-Orient ! La majorité des migrants obtiennent en outre des résultats assez déprimants aux tests d’intelligence. Il ne faut donc pas s’y méprendre : lorsque Dieter Zetsche, le P-DG de Mercedes-Daimler, prophétise que les migrants apporteront « un nouveau miracle économique », c’est une déclaration sans suite destinée à se faire bien voir de Merkel. En réalité, les groupes du DAX (Ndlr : le CAC 40 allemand) n’emploient que… 65 migrants ! Quant au groupe Daimler, malgré les déclarations de son président, il en a embauché… zéro (voir encadré).

Mercedes et les migrants

Contacté par Causeur, le groupe Mercedes-Daimler réfute les allégations de Michael Klonovsky et nous adresse les précisions suivantes : « Nous avons engagé 9 réfugiés dès l’arrivée de la première vague de migrants en 2015 puis 50 l’année suivante. D’autres recrutements suivront. Par ailleurs, nous avons offert des stages de formation à 740 migrants en 2016 que nous mettons en contact avec des petites et moyennes entreprises allemandes afin de faciliter leur embauche. Enfin, Daimler a fourni 50 formations en apprentissage supplémentaires aux réfugiés. »

À votre avis, pourquoi la chancelière a-t-elle adopté cette politique d’accueil ?

Au fond, personne ne sait vraiment expliquer cet acte de folie. D’aucuns ont recours aux[access capability= »lire_inedits »] théories du complot, arguant que l’immigration massive profite aux Américains, mais je n’y crois pas. D’un point de vue psychologique, Angela Merkel n’a jamais eu d’enfant et compense peut-être ce manque en devenant une sorte de mère par procuration pour les migrants. Mais j’aperçois des causes plus profondes, d’ordre métaphysique. Après le désastre du nazisme, l’Allemagne a renoncé à son identité et à sa culture pour faire bonne figure auprès des Occidentaux, quitte à ce que les Allemands s’américanisent. En outre, une certaine tendance protestante à la haine de soi conduit parfois l’Allemagne à vouloir sauver le monde.

Nous y voilà ! Merkel a sans doute eu à cœur de redorer le blason de l’Allemagne entachée par les crimes du nazisme…

Aux tueries de masse totalitaires a en effet succédé un suicide humanitaire. On est passé de « Deutschland über alles » (l’Allemagne au-dessus de tout) à « Deutschland unter alles » (l’Allemagne en-dessous de tout) ! Sous le nazisme, l’Allemagne submergeait le monde sous ses troupes militaires ; aujourd’hui, l’Allemagne absorbe le monde entier. D’un point de vue ethnologique, il faut replacer l’ouverture des frontières dans notre inconscient national car, par sa démesure et son utopisme romantique, cette décision est un acte éminemment allemand.

En quoi est-ce romantique d’accueillir des individus qui fuient le malheur ?

L’idéalisme romantique ne voit dans les migrants que de bons sauvages qu’il faut assister à tout prix. Or l’expansion migratoire est la conséquence de deux phénomènes. Primo, l’explosion démographique de l’Afrique, probablement provoquée par les programmes d’aide économique notamment de l’ONU. C’est un mécanisme que Churchill avait déjà remarqué il y a cinquante ans : à mesure que l’Inde profitait des programmes d’aide au développement, elle augmentait sa population. Secundo, l’idiote guerre de la Libye et le renversement de Kadhafi ont fait sauter le verrou qui empêchait la vague migratoire de déferler sur l’Europe. Ignorer cette réalité relève du romantisme qui, en Allemagne, a été historiquement de droite comme de gauche.

Selon votre classification, Merkel serait donc une romantique… de gauche ?

En tout cas, elle fait mine de l’être. Ne perdons pas de vue son objectif politique : se maintenir au pouvoir. Par sa politique d’immigration, Merkel s’est immunisée contre toutes les critiques de la gauche et a construit un grand récit auquel cette dernière – notamment le SPD qui participe au gouvernement de grande coalition – n’a plus rien à opposer ! Angela Merkel a conquis ce que j’appelle la souveraineté interprétative.

Il arrive que les discours se heurtent aux faits. Ainsi, il y a un an, pendant la nuit de la Saint-Sylvestre, à Cologne et dans une douzaine de villes allemandes (Stuttgart, Hambourg, Düsseldorf…), 1 200 femmes ont été agressées par 2 000 migrants sous l’emprise de l’alcool, majoritairement d’origine maghrébine. Comme en France, la presse et les féministes allemandes ont-elles tardé à s’emparer de ce sujet ?

Dans un premier temps, seule la presse locale a parlé de cette affaire. La presse nationale, les leaders d’opinion et les grands médias ont fait comme si de rien n’était pour ne pas être accusés d’islamophobie et de xénophobie ou, ce qui est pire à leurs yeux, de vouloir influencer l’opinion. En l’absence de toute censure centrale, les journalistes « éclairés » se sont comportés comme des sardines nageant dans le même banc en s’autocensurant pour empêcher les citoyens de se faire une opinion sur les événements. Car le 31 décembre 2015 n’est pas simplement une nuit d’agressions sexuelles contre les femmes. Nous avons été confrontés à une tentative de conquête territoriale. Cette même nuit, des migrants ont tiré des fusées sur la grande cathédrale de Cologne, ce qui revient à dire : « Maintenant, c’est nous qui sommes là. On agit à notre guise, en tirant sur votre cathédrale qu’on n’aime pas parce que c’est un édifice chrétien, en volant vos sacs et vos téléphones portables, en agressant vos femmes… »

Certains interprètent cette nuit d’horreur comme un choc des civilisations en actes. Pourtant, la civilisation européenne n’a pas le monopole de la galanterie…

La tradition européenne a inventé le service à la dame, idéalisant la femme depuis le temps des troubadours. A contrario, chez les Africains, les Asiatiques et les Arabes, la femme n’est pas mise sur un piédestal. C’est toute la différence entre nos civilisations. Ainsi, l’histoire européenne est-elle marquée par un fil conducteur qui va de l’âge courtois au revers de la médaille féministe. On peut trouver des féministes ailleurs qu’en Europe, mais le féminisme a été inventé sur notre continent.

Que lui reprochez-vous ?

Le féminisme transforme l’égalité des droits en uniformisation des sexes et fait de la femme une concurrente de l’homme là où ce n’est pas nécessaire. Que les féministes s’en prennent à la grâce des femmes m’est esthétiquement désagréable.

Osons une provocation féministe : si depuis quelques années l’Allemagne retrouve une certaine superbe et s’affirme sur les plans international, économique et sportif, est-ce par la grâce de la chancelière Angela Merkel ?

Une provocation en appelle une autre : la rédemption de l’Allemagne devrait exiger l’abandon total de notre peuple, jusqu’à la mise à disposition sexuelle de nos femmes. [Rires] Plus sérieusement, le mythe de l’Allemagne dynamique cache une réalité bien plus contrastée : 15 millions d’Allemands travaillent, paient des impôts et permettent ainsi au reste du pays de vivre. Or la politique délétère de Merkel contribue à affaiblir ce groupe d’élite.

Restons dans le domaine politique. Vous conseillez l’AfD, parti anti-euro et anti-immigration né en 2013, qui a fait une percée fulgurante lors des dernières élections (14 % aux régionales à Berlin). Comment voyez-vous ce mouvement ?

L’AfD est un mouvement disparate qui rassemble des citoyens en état de siège. Notre projet consiste à souhaiter un retour à la normale, avec l’instauration de réelles frontières nationales, ce qui n’a rien de fasciste ! Les électeurs de Trump comme les partisans du Brexit ont dit en substance : « We want our country back. » Nous ne souhaitons pas autre chose.

Comment se positionne l’AfD par rapport aux citoyens allemands musulmans, notamment d’origine turque ?

Nous distinguons la religion des individus, si bien que le programme de l’AfD précise : « L’islam n’appartient pas à l’Allemagne. Les citoyens allemands musulmans appartiennent à l’Allemagne. »

Vous les invitez presque à abjurer leur foi mais passons. Le mois dernier, nous avons publié un reportage photo sur les électeurs berlinois de l’AfD, plutôt bien insérés professionnellement. Comment décririez-vous votre électeur type ?

Musulman, travailleur indépendant, libéral et de droite ! [Rires] À l’heure actuelle, ce profil concerne une minorité de nos électeurs mais c’est l’objectif que je veux atteindre. J’aimerais que l’AfD séduise des gens qui travaillent, paient des impôts et se sentent patriotes, fussent-ils musulmans.

Vous l’avez assez répété au cours de nos entretiens, l’Allemagne vieillit. À moins d’un sursaut nataliste peu probable, peut-elle se passer de l’immigration ?

Je n’ai aucune opposition de principe à l’immigration. Ma femme est israélienne, mes beaux-parents russes, ma tante hongroise, mon fils à moitié japonais et une de mes belles-sœurs vietnamienne. L’enjeu, c’est de décider qui on fait entrer en Allemagne. Les authentiques réfugiés politiques devraient être acceptés mais rentrer chez eux une fois la guerre achevée dans leur pays. Or les migrants sont venus pour rester, ce qui est problématique. Et dans une société normale, on devrait expulser les émigrés qui s’en prennent aux femmes ! [/access]



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