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Le Mexique, le pays des fantômes et des morts

Où devraient se rendre les féministes occidentaux avant de parler de "culture du viol"


Le Mexique, le pays des fantômes et des morts
Jour des mères au Mexique, des centaines de personnes manifestent pour dénoncer la disparition de leurs proches

Le Mexique est un pays dont une certaine gauche occidentale aurait beaucoup à apprendre. Là-bas, les cartels sont responsables de milliers de morts et de disparitions chaque année. Et la « culture du viol » est une réalité.  


Dans le Mexique précolombien, les Mayas et les Aztèques ont sacrifié des dizaines de milliers de personnes. Ils remplissaient d’énormes fosses en offrandes humaines. Au sommet des pyramides, des personnes étaient éventrées, un sorcier leur arrachait le cœur et elles déboulaient jusqu’au pied de ces grands monuments sacrés. Dans le Mexique contemporain, la tradition a été conservée sous une autre forme. Chaque année, le Mexique sacrifie des milliers d’hommes, mais cette fois, à la mitraillette et à la machette. Les moyens ont changé, le contexte aussi, mais il y a encore dans l’air un parfum de violence millénaire.

Sacrifices humains

En 2018, le record annuel d’homicides y a été battu. On parle de 33 000 meurtres dans les médias, mais toutes les disparations non résolues ne seraient pas prises en compte. À titre de comparaison, la guerre en Syrie aurait fait 20 000 victimes en 2018. Depuis plusieurs années, le Mexique produirait donc autant de morts que des zones officiellement affectées par des conflits armés. Une réalité qui devrait davantage inquiéter la communauté internationale. Pour l’instant, seul Donald Trump semble prendre le problème au sérieux, au moins du point de vue de la sécurité intérieure des États-Unis. Le mur est aussi un moyen de contenir cette barbarie.

Il faut séjourner plusieurs semaines dans cet ancien empire indien pour prendre la mesure de sa déroute. Il est fascinant de voir comment la population compose avec la violence quotidienne. Chaque soir à la télévision, des journalistes dressent le bilan des dernières journées les plus sanglantes. Les quartiers les plus dangereux de Mexico sont présentés dans des palmarès. Le vol de carburant (huachicol) préoccupe la population, surtout depuis l’explosion de l’oléoduc qui a fait 125 morts. Les médias alimentent très certainement le sentiment d’insécurité, mais les gens ont aussi le droit de savoir.

Corrompu à mort

Le drame du Mexique est lié au règne des narcotrafiquants, que tout le monde imagine tirer dans l’ombre les ficelles du pouvoir. Un chauffeur de taxi vous racontera que les politiciens sont les marionnettes du crime organisé, à l’exception peut-être du nouveau président de gauche, Andrés Manuel López Obrador. Dans le cas du pays des morts, difficile de parler d’une théorie du complot : oublions les francs-maçons et les Illuminati, ici, tout porte à croire que les cartels de la drogue contrôlent vraiment des pans entiers de la société : de la gestion immobilière à une partie de la police et de l’armée. Le pouvoir est aussi pyramidal qu’avant l’arrivée des Européens.

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La ville occidentale de Guadalajara, qui a environ la taille de Montréal, serait presque devenue une cité-État du crime organisé. Selon plusieurs sources, la capitale du Jalisco serait la préférée des criminels pour investir leur capital dans des activités plus propres. Dans le même registre, on apprenait récemment que Joaquin Guzman (El Chapo) avait versé un pot de vin de 100 millions de dollars américains à l’ancien président Enrique Peña Nieto. Jusqu’à son arrestation en janvier 2016, El Chapo était le narcotrafiquant le plus puissant du pays (cartel de Sinaloa). Ce ne sont que deux exemples parmi tant d’autres de l’emprise des cartels. Le Mexique a détrôné la Colombie : il produit dorénavant les meilleurs scénarios pour les producteurs de Netflix. À côté du Mexique, la trilogie du Parrain est devenue insipide.

Où sont les femmes ?

La violence endémique se manifeste aussi contre les femmes, signe le plus révélateur de la dé-civilisation. Les histoires de viols et de séquestrations se multiplient, ce qui soulève l’indignation des réseaux sociaux. À Mexico, les précautions que doivent prendre les filles pour sortir sont déconcertantes. Prendre un simple taxi est souvent jugé trop dangereux pour une femme. Les femmes doivent constamment redoubler d’ingéniosité pour assurer leur sécurité. En prévision d’une soirée arrosée, il n’est pas rare de voir l’une d’elles confier sa localisation à une amie grâce à son téléphone portable. La confiance est chancelante : les rendez-vous galants sont des opérations délicates. Des perles du Nouveau Monde sont enlevées dans le métro de la capitale. Où sont-elles emmenées ? Sont-elles assassinées ? Deviennent-elles des esclaves sexuelles ailleurs dans le monde ? Le mystère plane toujours autour de ces disparitions, bien que le profil de certains agresseurs vienne d’être publié dans la presse.

Une certaine gauche occidentale aurait intérêt à connaître le Mexique pour tempérer ses positions. L’herbe n’est pas toujours plus verte chez le voisin. Surtout quand ce voisin n’est pas un bon pays nordique accoutumé à la modernité politique. S’il existe réellement une « culture du viol », elle est bien en vogue au pays des morts. Des militantes féministes évoquent la misogynie ambiante, mais la pauvreté et le manque d’éducation semblent beaucoup plus déterminants. Et s’il existe réellement un « privilège blanc », il est aussi bien implanté au Mexique. À la télévision et dans les grandes institutions, où sont les millions d’Autochtones qui peuplent pourtant ce pays ?



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Auteur et journaliste. Rédacteur en chef de Libre Média. Derniers livres parus: Un Québécois à Mexico (L'Harmattan, 2021) et La Face cachée du multiculturalisme (Éd. du Cerf, 2018).

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