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Hernán Cortés m’a tuer: le Mexique demande des excuses pour la colonisation

Les "violations des droits de l'homme" des conquistadors espagnols


Hernán Cortés m’a tuer: le Mexique demande des excuses pour la colonisation
Le roi d'Espagne Felipe VI et un portrait d'Hernan Cortes. ©Curto de la Torre/AP/SIPA (AP22307814_000001) - Real Academia de Bellas Artes de San Fernando (Domaine public)

La repentance n’a pas d’âge. La preuve: le président mexicain a envoyé une lettre au roi d’Espagne pour qu’il présente des excuses pour les crimes de la colonisation du XVIe siècle.


Andrés Manuel Lopez Obrador (appelé aussi par son acronyme AMLO), président du Mexique en exercice depuis décembre dernier, a demandé à l’Espagne de présenter des excuses pour « les abus » de la conquête espagnole. « J’ai envoyé une lettre au roi d’Espagne pour que le récit des abus soit fait et que des excuses soient présentées aux peuples indigènes pour les violations de ce qu’on nomme aujourd’hui leurs droits de l’Homme ». Le roi Felipe VI a refusé. Mi-mars, Jesusa Rodriguez, sénatrice du parti du président de gauche a déclaré : « Rappelle-toi qu’à chaque fois que tu manges un taco de carnitas (au cochon), tu célèbres la chute de Tenochtitlan ». Les Mexicains devraient se priver de leurs savoureuses cochonnailles et se flageller pour toutes les malveillances qu’ont commis Hernán Cortés et ses disciples.

Des hommes de leur temps

Cortés fut un dur, certes. Il n’a pas fait dans la dentelle, soumettant par l’épée, la cuirasse en acier et quelques canons, des dizaines de milliers d’Aztèques attendant depuis des années, le retour de Quetzalcoatl, leur messie à la peau blanche et à la longue barbe. Qu’ils ont confondu avec le conquérant…

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Salaud de blanc ou héros, le Cortés ? Ce qui est sûr, c’est qu’il fut, comme Francisco Pizarro, un homme de son temps : la mission était de convertir les emplumés du Nouveau monde à la foi des Évangiles. Pourquoi s’en seraient-ils privés, devant ces « sauvages » à moitié nus, coutumiers de sanglants sacrifices humains ne pouvant qu’être dictés par le Diable ? Après deux mois et demi de combats très sanglants, la civilisation aztèque est anéantie. Tenochtitlan, ancêtre de Mexico, que Hernán Cortés décrit dans une lettre à Charles Quint comme « la plus belle ville du monde, une nouvelle Venise » est définitivement aux Espagnols. C’est là que le conquistador et ses compagnons  auraient élaboré et mangé les premiers tacos de carnitas, si savoureux que je  retournerais bien au Mexique rien que pour ça. Cuauhtémoc, empereur humilié, est déchu, puis torturé : ses pieds sont plongés dans de l’huile bouillante afin qu’il révèle où se trouve l’or. Il ne dira rien. Jean-Marie Gustave Le Clézio a fait un excellent ouvrage à ce sujet, Le rêve mexicain. Il imagine ce qui aurait pu advenir si le monde préhispanique n’avait pas été annihilé par la Couronne espagnole. Il est juste et pertinent de penser que la rencontre entre ces deux mondes, aurait pu, ou dû, se passer autrement. Mais ce qui est fait est fait, et la culpabilisation perpétuelle n’est bénéfique pour aucune des deux parties, comme l’a bien démontré Pascal Bruckner.

Le Mexique mérite mieux que Taubira

La grande majorité des Mexicains a du sang amérindien. À des années-lumière de nos essentialistes des origines et du communautarisme conquérant, les Mexicains n’ont qu’une patrie, le Mexique. Qu’il est bon de flâner dans Mexico, Guanajuato ou Querétaro, mêlé à cette population au sang brassé par le désir au fil des générations. AMLO voudrait maintenant racialiser tout ça ? Il a été élu pour tout autre chose : endiguer la corruption endémique du pays ; réduire les inégalités sociales -qui rendraient chacun de nous quasiment communiste, après une semaine dans ce pays à se faire taper ses pesos par des sans-dents à tout bout de champs – stopper la violence chronique, qui n’a cessé de progresser ces dernières années, et qui peut amener à se faire trucider pour quelques billets ou un smartphone. Le défi est colossal. Et voilà qu’il nous fait du Taubira ! Le Mexique mérite mieux que ça.

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Heureusement, la résistance s’organise : les historiens mexicains estiment que les excuses demandées par leur président sont à côté de la plaque. Quant aux échoppes de carnitas, elles se portent à merveille. Allez donc au Mexique et gavez-vous de carnitas, vous en reviendrez enchanté…

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Enseignant, auteur du roman "Grossophobie" (Éditions Ovadia, 2022).

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