Le rapport de l’inspection générale de la justice, à la suite de l’agression mortelle contre Yvan Colonna le 2 mars à la centrale d’Arles, a été remis à la Première ministre qui a indiqué qu’elle allait suivre toutes ses recommandations. De quoi revenir sur les défaillances de l’administration pénitentiaire ayant mené à ce drame…
L’ex-directrice et un surveillant vont notamment faire l’objet de procédures disciplinaires.
Yvan Colonna, qui se trouvait dans la salle de sport, a été laissé seul face à Franck Elong Abé, détenu particulièrement signalé, qui y a pénétré pour la nettoyer à 10 heures 13 et en est ressorti à 10 heures 23. À 10 heures 24, il croise un surveillant auquel il annonce qu’Yvan Colonna vient de faire un malaise et qui le croit sans vérifier. En réalité, Abé a sauté à pieds joints sur Yvan Colonna qui a été plaqué au sol. Il a écrasé son cou avec son pied et l’a étouffé sous deux sacs en plastique. Neuf minutes d’une extrême violence dont les effets seront la mort d’Yvan Colonna le 21 mars à l’hôpital de Marseille.
« Gestion inappropriée de la vidéosurveillance »
Entre 10 heures 10 et 10 heures 25, l’agent chargé de ce secteur de l’établissement n’a exercé aucune surveillance. La directrice qui avait quitté l’établissement dix jours avant le 2 mars, avait cependant « supervisé l’arrivée de Franck Elong Abé à Arles et était responsable du fonctionnement de la maison centrale durant son incarcération » [1]. Pourquoi éprouve-t-on comme un sentiment de gâchis même après cette inspection tellement prévisible dans ses conclusions ? Parce que les citoyens s’intéressant à la chose publique et à l’actualité judiciaire et pénitentiaire, et donc à Yvan Colonna, n’avaient pas besoin de ce rapport pour être capables de se forger immédiatement une conviction, en tout cas dans une forme minimaliste. On se doutait bien que l’ex-directrice serait dans le collimateur disciplinaire, d’autant plus que son audition, plus tard, et sa prestation calamiteuse sans la moindre prise de conscience et contrition, avaient amplifié cette intuition superficielle. On présumait aussi que l’absence de contrôle durant la phase cruciale où Yvan Colonna a été gravement agressé – avec une « gestion inappropriée de la vidéosurveillance » – ne serait pas sans incidence sur les opérations de l’inspection. Celle-ci aurait été décidée même sans la pression des autorités politiques corses et des manifestations ayant suivi la tragédie d’Arles.
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Sans avoir mauvais esprit, il me semble que la frustration du citoyen résulte du fait que ce rapport, s’il a mis en cause les instances supérieures – notamment le directeur de l’administration pénitentiaire -, a veillé aussi à dédouaner ce service en soulignant que malgré la dangerosité de Franck Elong Abé et son statut de détenu particulièrement signalé, rien ne s’opposait à la décision de lui confier un emploi. Cela en vertu du principe de l’individualisation des peines, tellement respecté, et si absurdement en l’occurrence qu’il a permis une confrontation entre Yvan Colonna et un islamiste gravement déséquilibré, qui voulait le tuer ; et qui l’a fait.
Une radicalisation sous-estimée
Je suis persuadé que le directeur de l’Administration pénitentiaire responsable à l’époque demeurera à l’abri de toute critique, encore plus de toute mesure disciplinaire. Alors que pilotant le sort des détenus terroristes, il aurait dû prendre en compte l’absence d’orientation en « quartier d’évaluation de la radicalisation » de cette personnalité dont le passé pénitentiaire appelait une vigilance toute particulière. Cette orientation aurait dû être commandée par la Direction de l’administration pénitentiaire au mois de juillet 2019 puis en novembre 2020, mai 2021 et janvier 2022. Cette carence sera évidemment couverte, selon la tradition française, parce que, s’il est normal que les lampistes trinquent, il serait trop périlleux d’incriminer les responsabilités supérieures. Où irait-on si les échecs et les défaillances étaient sanctionnés de bas en haut avec cette ligne directrice que plus on a de pouvoir, plus on devrait répondre de ses insuffisances, de ses impuissances ?
Qui pourrait même imaginer que la sévérité puisse aller même au-delà de la Direction de l’administration pénitentiaire dans un monde à la fois politique et technique qui serait devenu adulte ? On est responsable de soi et aussi de ceux qu’on n’a pas su emmener sur un bon chemin. On en est loin. Utopie. La nomination récemment d’Agnès Buzyn comme conseiller maître extraordinaire à la Cour des comptes a constitué, sur un autre registre, une parfaite et indécente illustration de cette promotion de l’échec et de cette indifférence du pouvoir à l’égard des mises en examen. De poste important (OMS) à fonction prestigieuse, c’est comme si on avait voulu consoler Agnès Buzyn de n’avoir pas été à la hauteur ! Je me demande si un jour la France officielle, l’univers du pouvoir, changeront d’attitude, s’honoreront de ne plus récompenser les défaillances, les négligences ou les graves fautes. J’en doute, car ils tiennent à cette inégalité qui les protège : les lampistes sont leur bouclier.
[1] https://www.lefigaro.fr/actualite-france/assassinat-d-yvan-colonna-procedures-disciplinaires-contre-deux-agents-de-la-prison-d-arles-20220728
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