L’immense émotion suscitée par le meurtre de Philippine fait réagir l’ensemble de la classe politique. 3000 personnes étaient présentes hier à la cathédrale Saint-Louis de Versailles pour les obsèques de l’étudiante de 19 ans.
Des militants de gauche et d’extrême gauche ont voulu arracher, dans les facultés de Lyon et de Grenoble, des affiches rendant hommage à Philippine Le Noir de Carlan et les étudiants sont intervenus pour leur rappeler les règles de décence et de respect. Une telle indignité dépasse l’entendement ! Splendide et douloureuse réponse à cette ignominie : les presque trois mille personnes ayant assisté dans le recueillement aux obsèques de Philippine.
À gauche et à l’extrême gauche, la réaction de Manuel Bompard à cette atrocité criminelle a été irréprochable mais je suis navré de constater qu’une fois de plus Sandrine Rousseau, prise par l’irrépressible désir de se distinguer, a proféré n’importe quoi sur cette tragédie, en ne traitant pas ce qu’elle avait à engendrer exclusivement : la compassion et la révolte.
Le Rassemblement national a été fidèle à lui-même. Dans l’affliction mais dans un maximalisme immédiat, laissant trop peu de temps entre l’émotion et le politicien pour que la première soit jugée totalement authentique.
Je ne serais pas loin, sur ce plan, de comparer le communiqué du Syndicat de la magistrature dont la tonalité filandreuse ne semblait avoir pour finalité que d’occulter l’horreur nue de la mort de Philippine, avec la demande de Laurent Wauquiez réclamant une mission flash à l’Assemblée nationale sur les dysfonctionnements administratifs et judiciaires. Elle relève à mon sens de la posture : on sait ce qui s’est (mal) passé.
Migaud et Retailleau réunis à Matignon
La réunion que le Premier ministre a organisée pour inviter le garde des Sceaux et le ministre de l’Intérieur à mettre fin à leur dispute par médias interposés a eu les plus heureux effets. Didier Migaud a changé de ton, se souvenant qu’être qualifié de gauche ne l’autorisait pas à ne rien comprendre aux tragédies françaises. Une fois qu’il a énoncé cette évidence sur sa fonction : « Je suis le défenseur de l’État de droit, de la justice et des magistrats… », il en est venu à l’essentiel. Après avoir tout de même concédé au rationnellement correct – « on ne peut pas légiférer sous le coup de l’émotion » -, il a affirmé qu’il allait « travailler » avec son collègue de l’Intérieur, que « police et justice étaient complémentaires et qu’ils avaient les mêmes objectifs ». Il n’était pas inutile, après les débuts de Bruno Retailleau en phase avec « la majorité nationale » de laquelle il tire sa légitimité, que le ministre de la Justice cessât de faire croire à un impossible consensus entre son collègue et lui-même.
Depuis le Canada, des propos présidentiels banals
Mais puis-je conclure en mettant en cause l’attitude de notre président de la République ? De Montréal, il a usé d’un langage qui de sa part pouvait être perçu comme plus tactique que sincère. Certes je ne doute pas qu’il dise vrai en évoquant « l’émotion de toute la nation » devant « ce crime odieux et atroce »… et en compatissant avec « la douleur de toute une famille qu’il faut aider, accompagner ». Propos d’une inévitable banalité. Mais pour le reste ? Quand le président recommande de « chaque jour mieux protéger les Français », en exhortant l’équipe de Michel Barnier à « le faire, le faire, le faire, et moins dire », je considère qu’il se moque du monde. Qu’on soit quasiment dans une pratique feutrée de cohabitation ne l’excuse pas. D’abord quelle provocation de l’entendre demander une obligation de protection quand cela a été son accablante faiblesse lorsqu’il avait toute latitude, malgré un Gérald Darmanin qui tentait tant bien que mal de pallier ses manques. Quelle crédibilité donner à Emmanuel Macron dans son verbe d’aujourd’hui alors qu’à plusieurs reprises il a manifesté son hostilité à l’égard de la police, prenant des positions légères et choquantes sur l’affaire Zecler ou la mort de Nahel ? S’il a eu une constance dans le domaine régalien, c’est celle de l’inconstance de son soutien aux forces de l’ordre et à ceux qui donnaient le meilleur d’eux-mêmes pour la défense de notre démocratie.
Il se trompe donc de cible en croyant, par sa triple injonction de « faire », mettre à mal le propos de Michel Barnier prescrivant de « davantage agir que parler ». Ou moquer l’avertissement trois fois répété de Bruno Retailleau sur « le maintien de l’ordre ».
Philippine au cœur : un crime qui fait parler. Et qui fera agir et réformer, je l’espère.
Causeur ne vit que par ses lecteurs, c’est la seule garantie de son indépendance.
Pour nous soutenir, achetez Causeur en kiosque ou abonnez-vous !