Mardi 7 juillet, Angela Merkel s’est écriée à Bruxelles, face au nouveau ministre des Finances grec, arrivé au sommet européen les mains dans les poches : « Il n’y a pas de base pour la négociation. Je dis que ce n’est pas une question de semaines mais de jours. »
La chancelière n’a nul besoin d’un référendum pour savoir que l’Allemagne fait bloc derrière elle face aux joueurs du gouvernement grec et à leur clientèle électorale. Les Allemands veulent mettre fin au vaudeville dans lequel ils sont obligés de jouer, à leur corps défendant, pour sauver la Grèce et l’euro, depuis plus de cinq ans. Dès lors, le champ des options se réduit pour Angela Merkel.
La première option était celle d’une capitulation non avouée consistant à accepter les propositions d’Athènes. Le gouvernement Tsipras a choisi de protéger les retraites, en surchargeant les classes moyennes et les entreprises[1. Au risque d’accélérer l’exode de ces classes moyennes et des petites entreprises dont plus d’un millier se sont déjà délocalisées en Bulgarie.]. Au grand dam du FMI qui y voit le plus sûr moyen de couler ce qui reste d’économie grecque. Mais la façon dont les Allemands ont réagi à « la victoire de la démocratie » lui interdit cette option. Sigmar Gabriel, ministre SPD de l’Economie, a illustré leur réaction en ces termes : « Les Grecs viennent de rompre les derniers ponts avec l’Europe ».
La deuxième option est celle consistant à imposer à la Grèce une sortie de l’euro, déjà à moitié acquise depuis que les banques grecques n’ont plus accès au financement de la banque centrale de Francfort. Avec un risque financier. Personne ne peut prétendre que le défaut grec, assorti d’un Grexit, n’entraînerait pas une déflagration sur les marchés du crédit. Ce risque financier est d’autant plus tangible que les taux d’intérêt pratiqués sur ces marchés sont extraordinairement bas, comme s’il existait une bulle du crédit[2. Bulle dont les banques centrales ont été les instigatrices par leur politique d’argent gratuit.]. Mais aussi un risque politique sous la forme d’un premier échec avoué de l’euro. Or, qui a dit « Un échec de l’euro serait un échec de l’Europe » sinon Angela Merkel ?
On peut alors spéculer sur une troisième option. La chancelière, consciente que la double expérience de l’euro et de l’Europe tourne à l’aventure, pourrait prendre les devants de nouvelles crises et de nouveaux conflits, en ouvrant la voie à une déconstruction méthodique de l’euro et de l’Europe. Elle incarnerait alors ce qu’a incarné en son temps Mikhaïl Gorbatchev, quand il a mis fin à l’Union soviétique et à l’expérience du socialisme réel. Angela Merkel entrerait dans l’Histoire par la grande porte.
La troisième option ne correspond guère à la personnalité de la chancelière. Chacun reconnaît en elle une politicienne avisée, volontaire et opiniâtre, qui suit deux principes : la défense des intérêts allemands et sa propre sauvegarde. On ne pariera pas pour cette troisième option qui remettrait en marche les peuples et les Etats en Europe. Et c’est bien dommage.
*Photo : Wikipedia.org
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