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Viande contre bagnoles

Craignant la colère de ses agriculteurs, la France essaie de faire marche arrière sur le traité du Mercosur


Viande contre bagnoles
Agen, 19 novembre 2024 © Mael Garnier/SIPA

La France parviendra-t-elle à refuser d’appliquer le traité du Mercosur ? Nos agriculteurs tricolores, déjà mal en point, sont vent debout contre cet accord de libre-échange.


C’est une révolte ? Demande le président Macron.

Non Sire, une Révolution ! Répond le Premier ministre.

Car en ce moment des blocages ont lieu dans toute la France et la Coordination Rurale promet le «chaos ».

Endurants et persévérants nos paysans souffrent depuis plus de 20 ans, souvent en silence et en courbant l’échine. Accord après accord, gouvernement après gouvernement, promesses non tenues après promesses non tenues, ils sont assassinés à petit feu.

Les exploitations agricoles étaient près de 490 000 en 2010 et moins de 390 000 en 2020, soit une baisse de 20% en 10 ans. Dans le même temps, la population des chefs d’exploitation et co-exploitants est passée de près de 604 000 personnes à moins de 496 400, soit une baisse de 18 %. En 2024, ils sont environ 400 000, soit près de 800 000 de moins qu’en 1980. Chaque année depuis 2015, en moyenne 20 000 chefs d’exploitation cessent leur activité tandis que 14 000 s’installent. A ce rythme, en 2035, ils ne seront plus que 275 000.

Poids administratif, lourdes charges sociales, MSA (Mutualité Sociale Agricole), contrôles multiples notamment de la part de l’Office Français de la Biodiversité, droits de transmission, retraite misérable (1176€ par mois après 40 années de cotisations !), augmentation de 30% du prix des entrants (engrais et produits phytosanitaires), aides de la PAC (Politique Agricole Commune) chaque année moins importantes, 253 suicides en 24 mois, cours en chute depuis un an, augmentation de plus de 10% en deux ans du montant du fermage, rendements en baisse et pour clore ce tableau une récolte 2024 catastrophique !

Les mouvements de contestation de janvier n’ont mené à rien ou à si peu. Nos paysans ont alors repris depuis quelques semaines des actions, d’abord timides mais qui montent en puissance afin de mobiliser leur profession.

On nous annonce le chaos, et c’est bien ce qui nous attend si la ratification du traité du Mercosur entre la France et l’Amérique du Sud a lieu.

Viande contre bagnoles. 20 ans de négociations pour arriver à ça !

L’accord commercial entre l’Union Européenne et l’Argentine, le Brésil, l’Uruguay, la Bolivie et le Paraguay reste en attente car à ce jour aucune des parties ne l’a encore ratifié.

L’accord vise à faciliter les échanges commerciaux entre l’Union Européenne et les pays d’Amérique du Sud en supprimant progressivement sur une période de 10 ans 90% des droits de douane. L’accord prévoit également des réductions importantes sur des produits agricoles majeurs comme la viande de bœuf, la volaille, l’éthanol et le sucre.

L’Union Européenne et les pays d’Amérique du Sud représentent un marché d’environ 740 millions de consommateurs et des échanges commerciaux avoisinant les 45 milliards d’euros ce qui en ferait la plus grande zone de libre échange au monde !

Comment nos paysans français pourraient-ils trouver ainsi leur place dans cet immense marché où les conditions de production des pays sud-américains sont bien différentes des nôtres ? Comment pourraient-ils concurrencer les producteurs d’Amérique latine qui ont des contraintes sanitaires et environnementales beaucoup moins strictes qu’en Europe et qu’en France en particulier, allant même jusqu’à utiliser des produits phytosanitaires et des antibiotiques interdits en Europe depuis 20 ans !

Face à cela la France, animée par un dernier sentiment envers nos paysans mourants, semble s’opposer à cet accord. Mais pour empêcher l’adoption du texte elle doit impérativement réunir une minorité de blocage ; Paris doit donc réunir à minima quatre pays représentant au moins 35% de la population de l’Union Européenne. Un tour de bras compliqué mais pas impossible si la Pologne, l’Irlande, les Pays-Bas et l’Autriche se rallient à la position de la France. On se demande d’ailleurs pourquoi ce réveil tardif après 20 ans de négociations. La peur du chaos annoncé ? Des enjeux électoraux ?

Nos voisins allemands, quant à eux, attendent avec impatience de ratifier le traité qui permettrait à leur industrie automobile d’encaisser de beaux bénéfices. Le couple « franco-allemand » fantasmé qui n’existe que dans la tête des dirigeants français semble être en crise ! Si le traité vient à être ratifié par l’Union Européenne, ce qui semble le plus probable, adieu veaux, vaches et cochons pour nos paysans et bonjour Mercedes et BMW pour l’industrie automobile allemande.



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Psychanalyste - juriste

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