Le dernier long-métrage de Roman Polanski, The Palace, bénéficie finalement de plus de séances à Paris, grâce à la pugnacité de son distributeur…
Il y a quinze jours, on s’en souvient, le directeur de l’unique cinéma parisien qui avait accepté de programmer The Palace, la farce noire et dérangeante de Roman Polanski, avait décidé, saisi de panique devant quelques excitées brandissant des slogans haineux contre « Polanski-Violanski », d’annuler les (peu nombreuses) séances prévues après la première soirée1. Le lendemain en effet, pas de projection, au grand dam des spectateurs qui se sont présentés au cinéma, à l’heure indiquée dans L’Officiel des spectacles, pour voir le film. S’ensuivit une discussion baroque, le directeur de la salle expliquant laborieusement au public fort mécontent de cette censure que son « public général » (sic) ne voulait pas de ce film. Ajoutant, très embarrassé, qu’il avait été tout seul à programmer The Palace – ce qui était hélas exact, et fort peu à l’honneur des autres directeurs de salles, à commencer par celles où, à l’évidence, le film de Roman Polanski aurait dû être projeté : cinémas UGC, Gaumont, et autres MK2. Mais au lieu de s’en montrer fier, et à juste titre, il battait en retraite la queue basse.
La médiatrice du cinéma saisie
Sébastien Tiveyrat, unique distributeur français à avoir osé se lancer dans la distribution du film en France, ne l’entendit pas de cette oreille. Il saisit la médiatrice du cinéma, et en obtint une intervention auprès du directeur de la salle. En conséquence de quoi les séances suivantes programmées puis annulées furent finalement maintenues.
Elles ont fait salle comble, et dans sa grande majorité le public a grandement apprécié le film.
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Tenace, Sébastien Tiveyrat ne s’en tint pas là : il insista non seulement pour que soit rétablie la séance annulée, mais pour que The Palace soit à nouveau programmé – d’ailleurs le film avait rempli la salle, fit-il très justement observer au directeur pusillanime (moins poltron, à tout prendre, ou plus naïf peut-être, que ses confrères de la profession qui tous à Paris – en province le film est programmé dans un certain nombre de salles – ont misérablement refusé de le diffuser dans leurs salles.) Sa pugnacité a payé : The Palace est à nouveau à l’affiche du studio Galande à partir du mercredi 29 mai, et avec cette fois davantage de séances. Les spectateurs parisiens ne sont donc plus privés de l’accès (certes restreint) à un film qu’ils sont libres d’aimer, de détester, qui les laissera perplexes, ou enthousiastes, c’est leur liberté.
Emerveillé par le cinéma depuis tout petit
Sébastien Tiveyrat, avec sa société Swashbuckler Films, est une figure atypique de la distribution. S’il a eu mille vies avant de se lancer dans la distribution de films du patrimoine – jusqu’à aujourd’hui, avec The Palace –, il est d’abord un amoureux du cinéma. « Je suis habité par le cinéma depuis que j’ai quatre ans », explique-t-il. Tombé dedans quand il était tout petit, en somme, du jour où il a vu La Ruée vers l’or. « L’histoire de la maison qui tombe dans le ravin » : gravée à jamais dans ses yeux d’enfant. Et bien sûr, Charlot, au bord du précipice, s’en sort !
Des yeux toujours aussi émerveillés aujourd’hui – un film du patrimoine est ainsi, pour Tiveyrat, frais comme au premier jour, novateur, toujours et encore ; un nouveau film de Roman Polanski est déjà un film du patrimoine, c’est-à-dire éternellement neuf.
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Alors il connaît tout. Tout sur les films, les productions, les acteurs, les réalisateurs. Un savoir amoureux précis, sensible – les remarques qu’il peut faire, au décours d’une conversation, sur les espaces, ou les lumières dans tel ou tel film de Roman Polanski sont d’une acuité dont seuls quelques grands tel feu Michel Ciment ont pu se montrer capables. Une science d’autodidacte passionné portée par l’enthousiasme, à des années-lumière des discours convenus de ces trop nombreux petits marquis de la critique et autres Trissotins du cinéma qui sévissent aujourd’hui, et vous font en prime la morale, amen ! Il vous parle de Sydney Lumet, de Coppola, de Polanski beaucoup, dont il admire par-dessus tout l’indestructible créativité et l’indépendance artistique absolue.
Le Rebelle de King Vidor, histoire dont le héros, un architecte intraitable quant à son art, refuse tout compromis, est clairement pour le distributeur qui en parle avec feu, et ne vit que pour partager sa passion, une figure inspirante.
Alors merci Monsieur Tiveyrat.
Pour votre pugnacité, pour votre amour joyeux de la merveille du cinéma.
Pour nous avoir permis de pouvoir voir encore un film de Roman Polanski, R. le Maudit par les lâches lâcheurs.
- https://www.causeur.fr/polanski-the-palace-studio-galande-cancel-culture-283012 ↩︎
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