J’ai comme l’impression que vous n’avez pas bien compris ce qu’on vous répète en boucle : avec la grippe AH1N1, on va tous y passer ! Oui, je sais, vous aviez sans doute d’autres projets en vue pour la rentrée (faire redécorer votre pavillon par Valérie Damidot ou vous lancer dans le commerce équitable de fausses Rolex). Malheureusement, il va falloir remettre tout ça à votre prochaine métempsycose, parce que techniquement, ce sera pas possible dans cette vie-là
D’un autre côté, réjouissez-vous : vous partirez avant d’avoir été ruiné par la crise financière. Profitez-en donc pour acheter à crédit des trucs hors de prix : puisque vous ne paierez que deux ou trois mensualités, ce serait vraiment dommage de se priver. En plus, votre prodigalité relancera la croissance, pour d’éventuels rescapés qui n’oublieront pas la grandeur d’âme dont vous aurez fait preuve face à l’adversité. De toute façon, c’est pas maintenant que vous allez ouvrir un Livret A !
Autre avantage substantiel procuré par cette pandémie ravageuse : vous allez pouvoir lever le pied – et le coude surtout ! – en matière alimentaire. Laissez pourrir vos cinq fruits et légumes quotidiens dans le frigo, et reprenez une troisième portion d’apfelstrudel. Côté liquide, et sans vouloir vous inciter à l’alcoolisme, je vous rappelle que l’eau se raréfie et que, de toute façon, les nappes phréatiques sont polluées par des pesticides industriels aux vertus mortifères éprouvées. Le rhum, le Sancerre et la Guinness sont garantis 0 % défoliants, eux. Quant au tabac enfin, c’est vraiment pas le moment d’arrêter puisque, je vous le rappelle, H1N1 vous aura chopé avant que vos poumons soient assez goudronnés pour pouvoir intenter un procès à la Seita.
Mourir idiot : n’est-ce pas là une de nos hantises les plus « prégnantes » – selon le qualificatif cher à ceux qui n’ont généralement rien à dire ? Il y a tant de facettes du réel qui demeurent pour nous autant de virtualités ne demandant qu’à s’accomplir dans l’aujourd’hui de nos vies… En gros : soyez désormais no-limit ! Vivez à tout instant dans une spontanéité, un arbitraire et une démesure nietzschéennes. Si la vertu est dans le juste milieu[1. In medio stat virtus (expression à placer lors d’un dîner en ville).], fuyez-les ; montez le son et foncez ! Bon, au cas où vous seriez bouddhiste, attendez-vous quand même à vous réincarner pendant quelques générations en mollusque sous-marin. Dites-vous néanmoins que, dans cette hypothèse, cela purifiera votre karma devenu aussi chargé que votre foie et votre casier judiciaire…
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