Botul. Mais si, vous savez, Jean-Baptiste Botul, l’auteur fictif, canular brillant du farceur Frédéric Pagès, qui a mis BHL dans la béchamel. Qui a mis Bernard-Henri dans la panade. Vous n’avez certainement pas pu échapper à l’histoire de ce spécialiste de la pensée Allemande. Mais Botul est également l’auteur d’une correspondance tout aussi fictive et tout aussi désopilante avec le Casanova barbu de la belle époque : Henri-Désiré Landru, qui a été publiée en septembre 2001 sous le titre Landru précurseur du féminisme. Ma jolie libraire m’assure que « l’affaire » a extraordinairement dopé les ventes de Botul qui pourrait aujourd’hui, s’il était encore vivant (et réel) s’acheter une villa de rêve aux Bahamas, rouler en Porsche et vivre avec Amanda Lear. Une vie à la BHL en somme.
Présentée comme la correspondance entre un jeune philosophe exalté et le fameux tueur de Gambais (Yvelines), à la gazinière de sinistre mémoire, mondialement connue, ce petit livre nous présente un autre Landru. Il n’est pas qu’un odieux tueur de femmes en série, c’est aussi un grand séducteur s’inscrivant dans la lignée prestigieuse de Don Juan ou Sade.
Oui, nous l’avons oublié, et Botul nous le rappelle de manière profitable : Landru a séduit et aimé – avec la légendaire vigueur érotique qu’on lui a prêté – toutes les femmes qu’il a assassinées, officiellement une dizaine, en réalité beaucoup plus. Botul note très vite que Landru, de par son impressionnant carnet de bal, est un ardent défenseur de l’émancipation de la femme. Le philosophe lâche ce botulème saisissant : « Le libertinage à portée de tous, c’est ce que vous incarnez – après les privations de la guerre, vous annoncez un nouvel âge d’or (…) Je vous propose de devenir un héros, un libérateur, un soldat au service du sexe faible – l’homme qui a voulu libérer la femme ! » Botul met le paquet, mais voit juste…
Landru n’est pas le salaud intégral que l’on a dit. Il ne faut pas le réduire à sa longue et inquiétante barbe noire, et son regard cruel de tortionnaire. Non. Landru est avant tout un amoureux de la femme, qui jette les bases et annonce les principales axiomatiques du féminisme du XXe siècle… Ce que Botul tient à souligner c’est qu’il y a du Simone de Beauvoir dans Landru, et demandons-nous un instant si une Élisabeth Badinter ne serait pas tombée sous son charme raffiné en d’autres circonstances ?
Landru, sans aucune modestie, écrit d’ailleurs à Botul : « Les Françaises m’aiment ! », en lui expliquant qu’il reçoit en prison des demandes en mariages et des courriers équivoques : « Je reçois aussi beaucoup de lettres portées sur la bagatelle. » Le jeune philosophe met alors au jour le féministe qui dort en Landru : « Vous êtes un féministe, un libérateur de la femme. Cette affirmation vous surprend peut-être mais prenez un peu de recul : Qu’est-ce que la femme aujourd’hui ? Tout ! Quelle a été sa situation politique jusqu’à présent ? Rien ! »
Dissertant sur les diverses injustices touchant les femmes, les deux compères en viennent à ressusciter Marie-Olympe de Gouges, disant que si les femmes ont bien le droit de monter à l’échafaud, il serait équitable qu’elles puissent aussi monter la tribune… Dans cette correspondance farfelue on découvre aussi un Landru créatif et visionnaire, ayant conçu des modèles d’automobiles spécifiquement destinées aux femmes (avec des roues faciles à changer), dont les brevets auraient été pillés par la maison Citroën.
Le jeune philosophe, futur porte-bidon imaginaire de Malraux, caresse le serial-killer dans le sens de la barbe : « Vous les cajoliez vos maîtresses, leur donnant plus de rêve, d’humour, d’attention et de plaisir physique qu’elles n’en avaient jamais reçus. Toutes les femmes qui ont accepté de témoigner l’ont dit : aucun homme ne vous égale ! Vous êtes l’incarnation de l’idéal masculin ! » Landru s’épanche parfois auprès de Botul : « Je suis plutôt un romantique… les gens ont généralement du mal à l’admettre. » Ce petit opuscule nous fait vivre tout le calvaire judiciaire de Landru, ne cessant jamais de crier son innocence, avec l’appui de Botul, qui tente de mobiliser toute l’intelligentsia chic et branchée de la fin des années 1910. Jusqu’à l’exécution capitale. A la moyenâgeuse, sur la guillotine de papa.
Attendant son exécution Landru écrit, plein d’aigreur à son ami philosophe : « Un petit conseil, mon jeune ami, croyez en mon expérience, les femmes sont cupides, elles aiment l’argent et l’uniforme. Elles peuvent être émues quelques minutes par un homme qui pleure mais… ça ne dure pas très longtemps. » Et si – finalement – ce Landru-là avait tout compris des femmes ?
Landru, précurseur du féminisme : la correspondance inédite, 1919-1922
Price: 11,98 €
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