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Menus sans porc: les élucubrations de la cour de Lyon

La décision d'un maire sur les menus de substitution à la cantine a été annulée


Menus sans porc: les élucubrations de la cour de Lyon
Manifestation en défense de menus de substitution à l'école pour les élèves dont les parents ne veulent pas qu'ils mangent de porc, Beaucaire, janvier 2018. SIPA. 00839711_000019

Au nom de la laïcité, le maire de Chalon-sur-Saône avait choisi de ne plus proposer de menus de substitution à la cantine aux enfants dont les parents ne souhaitaient pas qu’ils consomment de porc. La cour d’appel de Lyon a annulé sa décision. Sans convaincre.


Depuis 1984, les restaurants scolaires des écoles publiques de Chalon-sur-Saône (Saône-et-Loire) proposaient à leurs usagers des menus alternatifs sans porc. Mais en mars 2015, le maire de la ville a décidé de ne plus y proposer de menu de substitution, c’est-à-dire de ne pas proposer aux écoliers d’alternative à la viande de porc lorsque celle-ci est au menu de la cantine, compte tenu, notamment, des principes de laïcité et de neutralité auxquels est soumis le service public.

La cour de Lyon d’accord avec la Ligue de défense judiciaire des musulmans

Saisi par la Ligue de défense judiciaire des musulmans, le tribunal administratif de Dijon a choisi, le 28 août 2017, d’annuler la décision du maire de Chalon-sur-Saône en invoquant « l’intérêt supérieur de l’enfant » à ne pas consommer de la viande de porc, au prétexte étrange de l’article 3-1 de la Convention internationale relative aux droits de l’enfant (CIDE). La commune de Chalon-sur-Saône a naturellement interjeté appel de ce jugement, ce qui a amené la Cour administrative d’appel de Lyon à se prononcer sur la question.

Celle-ci, par son arrêt du 23 octobre 2018, a annulé au fond… la décision communale en considérant que :

– aucune nécessité du service public facultatif de la restauration scolaire ne la justifiait ;

– et que les principes de laïcité et de neutralité ne faisaient pas obstacle à ce que les usagers de ce service se voient offrir un choix leur permettant de bénéficier d’un menu équilibré « sans avoir à consommer des aliments proscrits par leurs convictions religieuses ou philosophiques ».

Décision bancale

La première branche de ce raisonnement peut convaincre. Aucune nécessité d’organisation ou de fonctionnement du service ne paraît en l’état pouvoir justifier d’imposer précisément le porc à la cantine scolaire (plus qu’une autre viande). La décision du maire de Chalon-sur-Saône était sans doute initialement mal ficelée.

En revanche, la deuxième branche du raisonnement suivi par la cour met mal à l’aise. Disons les choses clairement : comment penser une seule seconde que des enfants âgés de 3 à 11 ans (en école primaire) soient en situation de faire un choix éclairé en matière de religion et de contraintes alimentaires associées ? Comment imaginer, comme la cour de Lyon l’a considéré, que des enfants de moins de 11 ans puissent ainsi faire un tri entre des aliments sur le fondement de leurs intimes convictions religieuses ? L’entrée en religion suppose a minima une étude intellectuelle approfondie des textes religieux, pour un choix en pleine connaissance de cause, qui est inenvisageable à un âge si précoce. C’est donc en réalité bien des convictions religieuses des parents dont il est ici question. Or ces derniers sont tiers au service public (et non usagers), ce qui bouscule le raisonnement juridique.

La motivation de la décision de la cour de Lyon paraît donc faible. Au demeurant inutile pour juger au fond du litige, elle révèle une idéologie qui flirte avec le militantisme puisque la cour vient indirectement reconnaître l’existence d’aliments qui seraient proscrits pour de très jeunes enfants en raison de leurs convictions religieuses supposées.

Le Conseil d’Etat s’est déjà prononcé contre

L’intérêt de l’enfant, c’est d’être protégé des influences lors de son plus jeune âge (y compris de celle de ses parents), pour être en parfaite capacité, le moment venu, de faire un choix éclairé s’il le souhaite. C’est la mission de l’école républicaine.

La mention des aliments proscrits en raison de « convictions philosophiques » dans la décision de la cour prête par ailleurs à sourire, il ne semble pas que la philosophie bouddhiste soit le point de crispation à l’école publique.

Le maire de Chalon-sur-Saône a fait connaître son intention de porter cette affaire devant le Conseil d’État, dont la décision sera attendue avec grand intérêt. Il faut en effet rappeler que, par deux fois, la juridiction suprême a suivi un raisonnement inverse de celui de la cour de Lyon sur le sujet :

– En décidant, le 14 avril 1995, que la neutralité implique, pour les usagers du service public, que la prise en compte des différences de situation fondées sur les convictions religieuses ne puisse pas remettre en cause le fonctionnement normal du service (CE, 14 avril 1995, Consistoire central des israélites de France, n°125148),

– Et en décidant, le 25 octobre 2002, que l’absence de repas de substitution ne méconnaît pas le principe de liberté religieuse (CE, 25 octobre 2002, Mme Renault, n°251161).

Vers du hallal à l’école ?

Le maire de Chalon-sur-Saône n’est, par ailleurs, pas isolé puisque l’Association des maires de France rappelle, dans son vade-mecum sur la laïcité de 2015, qu’ « il appartient aux parents d’inscrire ou non leur(s) enfant(s) à la cantine en ayant connaissance des menus qui y seraient servis : les familles doivent s’adapter aux règles de l’école républicaine laïque et non l’inverse » (Le Figaro du 23 octobre 2018).

La décision du Conseil d’État sera importante. Il est à craindre que les menus de substitution ne soient que la première étape vers une revendication du hallal à l’école publique (pour toutes les viandes) qui est déjà à l’œuvre dans certains secteurs. Une solution alternative consisterait à proposer de vrais menus végétariens (sans viandes et pour tous) aux écoliers de France sur le fondement de considérations nutritionnelles (les dangers pour la santé d’un excès de consommation de viandes sont régulièrement dénoncés par les professionnels). Mais c’est un autre débat…



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